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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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cuisinière experte, en fit ressortir le goût exquis.
Lombric réussit pour sa part à appâter tous les poissons dont j’avais entendu
parler, et avec une facilité plus déconcertante encore, ramassa dans des filets
improvisés de pleines fournées de petits lavarets blancs, d’ablettes argentées
et de gobies plus petits encore, dont nous fîmes de savoureuses fritures.
    Geneviève était douée d’indéniables talents culinaires, mais
elle rechignait à la tâche, maugréant et faisant la tête dès qu’il s’agissait
de s’y mettre. Aussi, dès que nous tombions sur une auberge, fut-ce la plus
minable krchma slovène, elle insistait pour y passer la nuit et profiter
ainsi de ses services. Je m’y arrêtais sans trop me faire prier, ne serait-ce
que pour nous ménager un peu de répit, à Lombric et à moi, face aux fatigantes
complaintes dont nous abreuvait Geneviève à chaque repas. Là aussi, plusieurs
surprises nous y attendaient. Les Slovènes semblaient ne subsister que de
soupes épaisses, qu’ils servaient également à leurs hôtes à l’exception de toute
autre nourriture. Par la force des choses, nous dégustâmes donc des potages aux
ingrédients les plus curieux, la soupe à l’oseille et la soupe à la bière, et
aussi le bouillon de sang de bœuf aux cerises… À notre grand étonnement, toutes
ces préparations s’avérèrent délicieuses.
    Dans une krchma , un autre voyageur était resté pour
la nuit, et je fis sa connaissance avec plaisir, bien que sa nationalité –
c’était un Ruge – en fît un ennemi potentiel de mon roi. Mais je fus
heureux de le rencontrer car c’était un marchand d’ambre, le premier auquel il
m’ait été donné de parler. Venu de la Côte de l’Ambre, il descendait au sud, et
son cheval était chargé du précieux matériau qu’il entendait négocier au
meilleur prix sur tous les marchés situés sur son chemin. L’homme m’exhiba
fièrement sa marchandise, et je pus la contempler sans réserve. Il y avait là
de gros morceaux translucides d’ambre de teintes variées, allant du jaune le
plus pâle au rouge en passant par l’or et le bronze, portant enchâssés dans
leurs profondeurs des pétales de fleurs parfaitement préservés, de petits brins
de fougères, et même des libellules intactes… J’appelai Lombric installé dans
l’écurie, le présentai au marchand, et nous nous assîmes tous trois au coin du
feu, sirotant ensemble quelques pichets de bière. Lombric et le négociant se
trouvaient encore en pleine conversation quand Geneviève et moi partîmes nous
coucher. Elle se mit sur-le-champ à grommeler :
    — Je pense qu’il est temps que je redevienne Thor. J’en
ai plus qu’assez d’être ainsi rabaissée.
    — Rabaissée ? Que veux-tu dire ?
    — Ai-je déjà été présentée par mon nom à un étranger de
rencontre ? Ni allis ! Mais cette créature au gros nez
d’Arménien ? Ja waíla ! Si le nom de Geneviève est considéré
quantité négligeable, ce n’est pas le cas de celui de Thor. Crois-moi, les gens
le remarquent. Et je préfère qu’on me remarque, moi, plutôt que d’être un vague
faire-valoir du grand maréchal Thorn. Sur la piste, je ne suis que ta servile
cuisinière ! Dès que nous sommes en société, on me regarde comme ta putain
de voyage, et l’on m’ignore avec condescendance. Je suggère donc qu’à partir de
maintenant, nous inversions les rôles. Tu chevaucheras les jours prochains en
Veleda, moi en Thor, et nous alternerons ainsi régulièrement. Nous verrons
comment tu t’adaptes à la condition de femelle, réduite à la médiocrité.
    — Je ne pense pas que cela ait quelque chance de me
convenir, fis-je avec une patience teintée de lassitude. Non que je me sois
jamais senti inférieur en femme. Mais je suis maréchal du roi, et tant que je
poursuis ma mission en son nom, j’entends bien conserver cette identité. Tu
feras comme tu voudras, et t’habilleras en homme ou en femme, n’importe quand
et à ta guise.
    — Très bien. Cette nuit en tout cas, je serai Thor, et
nul autre. Si tu veux en être bien sûr, tu n’as qu’à poser ta main… ici. Ne
suis-je pas Thor ?
    Durant la nuit qui suivit, je fus Veleda et rien d’autre. Et
Thor me chevaucha avec rudesse, désireux de me punir et de passer sa vindicte
sur moi, usant de moi comme d’un réceptacle, de toutes les façons dont on peut
user d’une femme, encore et encore. Mais il eut beau faire tout son

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