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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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possible
pour que je me sente inférieur, il n’y parvint pas. Une femme peut être douce
et soumise sans se sentir asservie, et même en jouissant de l’expérience, y
compris de manière, akh… palpitante !
    Entre deux étreintes, cette même nuit, durant les moments de
pause où Thor se relaxait et récupérait, j’eus le temps de réfléchir. Très tôt
dans ma vie, j’avais reconnu en moi les divers traits de la masculinité et ceux
de la féminité ; dès cet instant, j’avais lutté pour développer les plus
éminentes qualités des deux sexes, tâchant d’en éliminer les moins flatteuses.
Mais comme dans l’image que nous renvoie le miroir, où tous les détails sont
inversés, mon jumeau semblait avoir pris le parti inverse. Thor montrait de lui
toutes les facettes masculines les plus négatives : il était insensible,
arrogant, égocentrique, impérieux et vorace. Geneviève cumulait quant à elle
tous les défauts inhérents à certaines femmes : râleuse, soupçonneuse,
venimeuse, exigeante et cupide. Physiquement, ces deux entités étaient belles à
regarder, et procuraient dans l’intimité un plaisir sans égal. Mais on ne passe
pas tout son temps à admirer son conjoint, ni à copuler avec lui. Si j’avais
été sa femme, Thor, ce mari grossier et malappris, aurait eu tôt fait de me
lasser. Et si j’avais été son homme, jamais je n’aurais pu supporter comme
épouse cette mégère de Geneviève. Heureusement, je n’étais marié à aucun d’eux…
    J’étais tout simplement en train d’apprendre ce qu’avait
appris mon juika-bloth lorsqu’il s’était régalé d’entrailles de sanglier
non cuites : un raptor peut être dévoré par sa proie, de
l’intérieur. À l’instar de mon compagnon ailé, comme si mes boyaux saignaient
de manière invisible, je me sentais progressivement sapé dans ma force, dans ma
volonté, dans mon être. Si je voulais regagner mon indépendance et ma
personnalité, et peut-être assurer ma survie, il me fallait déglutir cette
proie et me détourner de cette désastreuse nourriture. Mais comment en trouver
la force, quand je m’y étais à ce point habitué ?
    J’aimerais croire que j’aurais fini par y parvenir de ma
propre volonté, mais Geneviève s’en chargea pour moi. Je me suis souvent
demandé depuis si celle dont elle portait le nom, l’épouse du grand roi
wisigoth Alaric, avait eu quelque chose de commun avec ma Geneviève. Si c’était
le cas et si les chants ancestraux disaient vrai, rapportant qu’elle avait été
surprise en flagrant délit d’adultère avec Landefrid, le meilleur soldat du
roi, je me demandai si Alaric avait alors ressenti, comme moi, cette sorte de
soulagement mêlé de rage en découvrant la trahison. Pour être franc, ma rage à
moi aurait pu se teinter d’un mordant amusement, dans la mesure où ma
Geneviève, dans les derniers temps de notre union, accorda ses faveurs à un
individu nettement moins noble que ce grand guerrier.
    Thor, en se comportant comme un homme tout au long de cette
nuit, sembla pour un temps avoir satisfait mon ardent désir personnel de
variété. Il ne fut plus question ensuite de changement alternatif de costumes
ou d’identité au fil du trajet. Geneviève resta Geneviève, je demeurai Thorn,
et tant que nous remontâmes le Tyras, les choses en restèrent là. Nous
arrivâmes dans une autre de ces régions dépourvues d’hébergement, et Geneviève
dut vaquer à ses occupations de cuisinière tous les soirs, mais elle se limita
à un ou deux grommellements par-ci, par-là, sans en rajouter. Pour trouver du
poisson, Lombric n’avait qu’à quitter la piste pour jeter à deux pas ses filets
ou sa ligne dans l’eau de la rivière. Pour nous procurer du gibier, en
revanche, je devais plonger plus profondément dans les bois alentour, et
m’éloigner quelque peu de la berge. Bien que la route que nous suivions fut en
général peu fréquentée, les rares voyageurs qui y circulaient suffisaient à
éloigner les animaux sauvages.
    Un après-midi, je montai Velox pour une de ces excursions en
forêt. Avant que je ne parvienne à lever et tuer un bon gros auths-hana [42] , je dus
tant m’éloigner que je ne retrouvai mes compagnons au campement que bien après
le coucher du soleil. Lombric se saisit des rênes de Velox sans faire la
moindre remarque sur ce qui s’était passé de particulier en mon absence, et
Geneviève n’en fit pas davantage quand je posai l’oiseau

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