Thorn le prédateur
Velox
cabriolait, plongeait et dansait à mon commandement.
— Voilà ! C’est bien ! vociférait Wyrd.
Maintenant, la frappe de revers ! Souviens-toi que tu peux forcer ton
cheval à faire un tour complet à droite, sur sa propre longueur et au petit
galop ! Maintiens-le fermement, gamin… Et maintenant, le coup de
flanc ! Et aussitôt, l’esquive ! Bien joué, gamin !
— Ce serait… beaucoup plus facile, haletai-je, épuisé
par mes efforts, si l’on avait une attache… pour tenir les pieds… et aider à se
tenir en selle…
— Les cuisses sont faites pour cela, répondit Wyrd. Les
tiennes se sont allongées et elles ont bien forci, depuis que je te connais.
— Quand même…, répliquai-je. S’il y avait un quelconque
moyen pour empêcher les pieds d’aller et venir n’importe où…
— Depuis la nuit des temps, les hommes montent sans
artifice de ce genre, et ils s’en sortent très bien. Efforce-toi de maîtriser
ton art, et cesse de pérorer.
Mais de nouveau, je m’isolai pour tenter quelques expérimentations.
Je me souvenais comment j’avais monté la vieille jument de bât autour de la
cour de ferme de Saint-Damien, pour baratter le lait afin d’en faire du beurre.
Mes cuisses n’étant à l’époque ni assez longues, ni assez puissantes, j’étais
parvenu à garder mon assise sur le large dos de l’animal en coinçant mes pieds
sous les sacoches de lait suspendues de chaque côté. Il aurait certes été aussi
ridicule que peu pratique de charger un cheval de combat de tels objets, mais
si je pouvais trouver quelque chose dans quoi rentrer mes pieds… Je me souvins
alors que dans le Balsan Hrinkhen, j’avais utilisé ma ceinture pour me
permettre de grimper sur un tronc sans branches…
— Quoi encore ? grogna Wyrd d’un air renfrogné
lorsque je vins lui montrer, tout fier, ce que j’avais imaginé. Tu t’es attaché
sur ton cheval ?
— Pas du tout, fis-je, me redressant orgueilleusement.
Vous voyez cela ? J’ai pris trois de vos solides cordes d’arrimage et les
ai tressées entre elles pour en faire une seule, très épaisse. J’ai attaché
celle-ci autour de Velox juste en avant des côtes, afin qu’elle ne glisse pas
vers l’arrière, sans la serrer trop fort, de manière à pouvoir y glisser mes
pieds de chaque côté… et regardez, fráuja ! Cette pression me
permet de rester en selle aussi fermement et aussi confortablement que si
j’étais assis sur une chaise, les pieds posés au sol.
— Et ton cheval ? demanda Wyrd, sarcastique. Que
te dit ton cheval, sans mots, évidemment, sur ce qu’il pense de ce dispositif
incommode ? Apprécie-t-il l’énorme nœud de ta corde coincé entre ses
antérieurs ?
— Je vous l’accorde, ce nœud est embarrassant. J’ai
essayé de le faire tenir à hauteur du garrot, mais il redescend tout le temps.
Ceci mis à part, je crois sincèrement que Velox apprécie que je sois bien calé,
au lieu de glisser sans arrêt sur la selle dès qu’il change d’allure ou de
direction.
— Bien calé, dis-tu ? J’ai déjà vu des cavaliers
alamans essayer des trucs avec des cordes pour dorloter leurs petits pieds, et
je peux te dire qu’ils l’ont regretté. Attends simplement le jour, gamin, où tu
vas te faire désarçonner par le coup d’un adversaire, et que tu te retrouveras
traîné par terre la tête en bas au bout de ton harnais.
— Dans ce cas il me faut souhaiter, fis-je avec
suffisance, de ne jamais me faire désarçonner.
Wyrd secoua la tête d’un air désapprobateur, mais aussi un
peu admiratif, me sembla-t-il, car il ajouta :
— Tu risques d’avoir pas mal d’occasions d’exaucer ce
souhait. Tu as l’air si étrange et original que le premier Goliath qui passera
aura envie de tester ton courage. Mais monte comme tu veux, gamin. Et je te
montrerai comment on peut épisser cette corde au lieu de l’attacher, afin
d’éliminer ton nœud encombrant.
— Velox vous en remerciera, fráuja, l’assurai-je
avec chaleur. Et moi aussi.
Bien sûr, j’appris aussi, au cours de mes voyages avec Wyrd,
quantité d’autres choses. Un jour, durant le premier été que nous passâmes
ensemble, alors que nous chevauchions sur un terrain irrégulièrement boisé,
sous un ciel gris aussi lourd et chaud qu’une couverture de laine, Wyrd
s’arrêta :
— Tu as entendu cet appel, gamin ?
— Rien d’autre qu’un corbeau. Sur la cime de cet arbre,
là-bas.
— Un simple
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