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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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dévisageai le solide marchand blond avec un intérêt plus
soutenu.
    — Pour le reste, ce sont les armuriers goths qui
forgent les épées et les fameux couteaux-serpents qui passent pour les
meilleurs du monde. Ils ne les cèdent que difficilement, et lorsqu’ils y
consentent, c’est à un prix princier. Les orfèvres goths, quant à eux, sont
connus pour leur art extraordinaire dans la joaillerie du filigrane, la
décoration des émaux, ainsi que le damasquinage de l’or et de l’argent. Ces
objets, fort recherchés eux aussi, atteignent par conséquent de coquettes
sommes.
    — J’en avais entendu parler en tant qu’armuriers. Mais
comme artistes ?
    — Dur à croire, j’en conviens ! reconnut Wyrd en
riant. Surtout quand le reste du monde décrit les Goths comme des brutes ne
méritant pas le nom d’humains. Les artistes de ce peuple ne sont certainement
pas, je te l’accorde, des chatons efféminés ; mais leur sens artistique
est indéniable. Ja, les Goths sont aussi capables en ces domaines que
dans celui de la force brute.
     
    *
     
    Durant toute la période qui suivit, Wyrd arpenta Constantia,
occupé à marchander avec un commerçant après l’autre afin de tirer le meilleur prix
de nos peaux et du castoréum. Loin d’être un spécialiste dans l’évaluation de
la valeur de ces articles, et encore moins rompu à vendre ou à troquer quoi que
ce soit à des acheteurs expérimentés, je ne pouvais lui être d’aucune aide. Je
me mis donc à courir les rues de Constantia, histoire de connaître un peu mieux
la ville.
    Je découvris assez vite, en écoutant ce qui se disait sur
les places publiques, que les citoyens étaient alors en grande effervescence.
La nouvelle ne nous était point arrivée aux oreilles dans l’auberge ni dans les
autres lieux où nous étions descendus, parce qu’elle ne concernait en rien les
marchands de passage. Mais les résidents permanents de la ville étaient
prodigieusement excités, autant que puisse l’être un flegmatique Helvète, par
le choix d’un nouveau prêtre pour leur paroisse de Saint-Beatus, l’ancien étant
décédé depuis peu, d’un excès de bière, disaient certains. J’étais curieux d’en
savoir plus sur le sujet, tant il semblait captiver les habitants. Aussi,
partout où j’en entendais parler dans une langue qui me fût compréhensible, je
m’arrangeais pour rester à proximité et tendre l’oreille.
    — Je vais nominer Tigurinex, disait un homme entre deux
âges à un groupe de citoyens qui semblaient tous aussi prospères et bien nourris,
et parlaient le latin. Caius Tigurinex meurt d’envie depuis longtemps
d’acquérir un statut plus noble que celui d’un négociant âpre au gain ayant
réussi dans les affaires.
    — Excellent choix, renchérit un autre. Tigurinex
possède plus d’esclaves et d’employés que n’importe quel propriétaire à
Constantia, sans compter ses entrepôts et autres établissements de commerce.
    — On raconte, affirma un troisième homme, que de
l’autre côté du lac, à Brigantium [65] , on aura bientôt également besoin
d’un prêtre. Imaginez un peu que ces gens songent à choisir Tigurinex.
    — Si négligeable soit cette bourgade, confirma un
quatrième, nul doute que si on lui en propose la prêtrise, Tigurinex y
transférera sans délai toutes ses possessions… Par le Christ, il les
transporterait aux portes de l’enfer, s’il le fallait !
    — Fichtre ! Mais alors, il faut que nous le
gardions !
    — Offrons l’étole à Tigurinex !
    Ma curiosité me conduisit donc à l’église de Saint-Beatus,
pour voir le marchand Tigurinex devenir prêtre. Comme les hommes que j’avais
entendus parler de lui, il était d’âge moyen, avait un tour de taille plutôt
confortable, et était pratiquement chauve : il n’aurait nul besoin
d’entretenir sa tonsure. Il ne portait pas la barbe, et je pense qu’il se
poudrait la face, pour ternir sa peau huileuse, qui aurait ressemblé sans cela
à celle d’un Syrien.
    Sans bégayer ou hocher la tête d’un air modeste, ni même
traîner maladroitement des pieds, il prononça son acceptation de la prêtrise
d’une voix puissante, comme un honneur qui lui était dû depuis toujours, et
qu’il attendait avec impatience. Il n’avait cependant pas condescendu à revêtir
pour l’occasion l’humble robe à capuchon seyant à la fonction. Il était habillé
comme ce qu’il était et continuerait d’être, prêtre ou pas :

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