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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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destinés à varier ma coiffure.
Je le répète, mes sorties en Juhiza furent rares. Mais la dernière fut celle de
trop.
    Il advint qu’en sortant de l’échoppe d’un myropola, où
je venais de réassortir mon lot d’onguents cosmétiques, de poudres et autres
falbalas, j’entendis le bruit sourd d’une cavalcade assortie des cris
habituels : « Place ! Faites place au légat ! » Je me
réfugiai donc à l’entrée d’une boutique, tandis que chacun dans la rue courait
pour céder le passage, et la voiture au décor liburnien survint. Cependant, le
hasard voulut que cette fois, elle s’arrêtât à proximité de l’endroit où je me
trouvais, et je vis alors les esclaves ouvrir avec déférence et empressement
les portes de la chaise à porteurs. Le légat s’y trouvait peut-être, mais il
n’en descendit point. Les passagers qui le firent étaient au nombre de
deux : une femme exceptionnellement belle, et un jeune homme excessivement
peu gâté par la nature. Ce dernier, sans surprise, était ce triste sire de
Jaerius, fils du dux Latobrigex. Quant à la femme, à mon intense
consternation, elle s’avéra être la fameuse Robeya que je connaissais si bien
depuis nos rencontres aux bains publics. Je compris en un éclair qui était le
fameux « dragon femelle » à avoir engendré le susdit butor.
    J’aurais dû, bien entendu, me couvrir immédiatement la face,
ou me retourner et courir discrètement me mettre hors de vue. Mais je restai là
sur place, à me dire que décidément, une femme aux inclinations si
particulières était malgré tout capable de se marier, qui plus est avec une des
notabilités locales… Et il lui avait suffi de se laisser faire avec
complaisance une seule fois, pour qu’il lui fasse un rejeton. Comment s’étonner
alors que le fruit d’un utérus aussi sec et dénué d’amour ait été ce misérable
et insignifiant paltoquet de Jaerius ?
    Ces réflexions laissèrent hélas le temps à Robeya de me
reconnaître. Nous ne nous étions vues que dans un mutuel état de nudité, mais
nous nous reconnûmes instantanément. Les yeux noirs de Robeya s’agrandirent,
puis se rétrécirent, et elle donna un rapide coup de coude à son fils pour
attirer son attention sur moi, avant de pencher la tête vers lui et de lui
murmurer quelques mots furtifs à l’oreille. Je ne les entendis point, mais vis
les yeux de Jaerius se rétrécir à leur tour, et me toiser, comme si sa mère
venait de lui demander de mémoriser chaque détail de ma physionomie. Je
m’esquivai aussitôt dans la direction opposée et m’éloignai d’un pas vif. Je
pris la première rue adjacente et m’y engouffrai, pressant au maximum l’allure
sans me lancer pour autant dans une course échevelée. Je ne me retournai qu’une
fois, pour constater qu’heureusement, ni Jaerius ni Robeya ne m’avaient suivie.
    Je bénis le ciel de parvenir à mon logement sans autres
dommages, et me réjouis d’avoir ainsi évité ce qui eût à coup sûr constitué une
fâcheuse confrontation. Je rangeai prestement mes emplettes et me débarrassai
de toutes marques féminines, faisant le vœu muet de ne jamais reparaître de
jour habillée en Juhiza. Et je tins parole. Durant la longue période qui
s’ensuivit, je redevins le Thorn qui déambulait à travers la ville et allait
rejoindre Gudinand pour partager avec lui ses activités ludiques. Cette phase
d’incognito masculin fit baisser la pression, et mon anxiété ne tarda pas à se
calmer. Aussi, quand Gudinand m’avoua, lugubre, avoir été la victime d’une
nouvelle convulsion, préparai-je sans autres précautions particulières une
nouvelle intervention de Juhiza.
    — Mais je crains bien, ami, ajoutai-je, que cette fois
ne soit la dernière. L’automne sera bientôt là, et notre tuteur Wyrd est
susceptible de revenir à tout moment. De plus… si cette cure ne t’a pas valu
jusqu’ici d’amélioration décisive…
    — Je sais, je sais, fit Gudinand d’un ton de lasse
résignation. Cependant, même si cela n’apporte rien de plus, j’aurai eu au
moins cette dernière fois…
    Le lendemain soir, lorsque je revêtis les habits de Juhiza,
je me sentais nerveuse. Mes doigts tremblaient, et je m’y repris à deux fois
pour parfaire le maquillage de mes cils et sourcils. Mais l’automne avait rogné
la longueur du jour, et c’est donc dans la plus complète obscurité que je me
glissai hors du deversorium. C’était la première fois que

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