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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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peu. Et ma flèche porta, si nettement que l’ auths-hana mourut au
milieu de son dernier mugissement, et s’abattit telle une masse au pied de
l’arbre.
    C’était une créature tellement hors normes, même inerte, que
je restai quelques instants debout à l’admirer. Son corps était aussi gros que
celui d’une oie, mais il avait la queue en éventail du coq de bruyère, en plus
large. Ses pattes munies de serres auraient pu être celles d’un juika-bloth, et sa tête ressemblait à celle de ce monstre que les Scythes appellent le gryps, car il possédait le bec jaune et cruel des rapaces, et de fiers sourcils
rouges. Son plumage était presque entièrement noir, à l’exception de quelques
taches bronze et blanches, et le tout avait des reflets métalliques que le
soleil teintait de pourpre, de bleu ou de vert.
    Je ne perdis toutefois pas trop de temps à contempler
l’animal, et le débarrassai de son splendide plumage avant que la rigueur
cadavérique ne le rendît trop difficile à ôter. Je tranchai sa tête et ses
pattes, vidai les tripes, que j’enfouis sous la neige, et le ramenai jusqu’à
mon cheval. Quand je revins au camp, Wyrd dormait toujours, aussi me
contentai-je d’enlever les restes de duvet, attendant le coucher du soleil pour
enfiler l’oiseau sur un bâton et le mettre à crépiter sur le feu.
    Je remettais de temps à autre de quoi alimenter les flammes
et donnais à la broche un quart de tour, écoutant le ronflement de Wyrd, dans
la nuit qui tombait peu à peu. Je dus m’assoupir moi aussi quelques instants,
vaincu par l’ennui ou la lassitude, car je fus soudain réveillé par l’arrêt
subit des ronflements. La volaille embrochée grésillait et crépitait
joyeusement, et de l’autre côté du feu, vision plutôt effrayante, deux yeux
jaunes tels ceux d’un loup brillaient dans les ténèbres et me regardaient.
Avant même que je me fusse remis sur pieds, Wyrd parla, et je réalisai
brusquement qu’il était assis, et que ces yeux étaient les siens.
    — Même l’odeur est délicieuse, tu ne trouves pas ?
Goûte-moi ça, gamin, avant que ça ne grille.
    Je n’avais jamais vu les yeux de Wyrd luire ainsi dans la pénombre.
Mais je me contentai de répondre à son offre :
    — Il y en a au moins pour quatre. Laissez-moi vous en
découper un morceau, fráuja.
    — Ne, ne, je ne pourrais même pas l’avaler. Par
contre, je peux peut-être, à présent, tenter une petite gorgée d’eau. En ce
moment, je ne sais pourquoi, je n’éprouve pas de répulsion à la simple idée d’y
penser.
    Je lui tendis ma gourde au-dessus du feu, puis arrachai une
cuisse de l’oiseau et commençai à la déguster avec voracité. J’y mis en fait
beaucoup moins de délicatesse que d’habitude, exagérant à plaisir les bruits
juteux de mastication, de déglutition et de succion afin que mon apparente
délectation ouvre l’appétit à Wyrd. Mais il se contenta de porter ma flasque à
sa bouche, avec précaution, comme s’il se méfiait.
    — Mmmm… vous aviez raison au sujet de l’ auths-hana,
fráuja, fis-je avec enthousiasme. C’est l’oiseau le plus savoureux que j’ai
jamais dégusté ! Son régime de myrtilles a donné à sa chair délicate juste
l’aigreur qu’il fallait. Prenez-en. Là, une tranche dans le plus tendre de la
poitrine.
    —  Ne, ne, fit-il de nouveau. Mais j’ai réussi à
avaler une gorgée d’eau sans haut-le-cœur ni dégoût insurmontable. Je dois être
en voie de guérison.
    Il considérait la flasque d’un air aussi approbateur que si
elle contenait un vin rare, s’amusant à répéter le mot :
    — De l’eau, l’eau. Tu as vu ? De l’eau. Aucune
réaction de rejet. As-tu lu les Géorgiques de Virgile, gamin ?
    Interloqué d’apprendre que lui-même ait pu les lire, je
répliquai :
    — Oui, bien sûr. Ses poèmes étaient agréés au monastère
Saint-Damien.
    — Eh bien, à moins que ton monastère n’ait possédé les
deux versions existantes, tu ne dois pas connaître ce détail. Dans le poème
original, quelque part dans son second livre, Virgile mentionnait le nom de la
ville de Nola. Mais il advint qu’un peu plus tard, passant par cette ville, il
demanda à l’un des habitants la permission de boire un peu d’eau. Tu as
vu ? Je le dis sans difficulté, là. Un peu d’eau. Enfin, toujours est-il
que l’individu en question lui refusa hargneusement cette faveur. Virgile
réécrivit alors son poème, et en expurgea

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