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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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mais il est craintif et timide. On le voit donc rarement, et il
requiert une technique de chasse assez spéciale. Nous n’en avons jamais vu
jusqu’ici, et j’ai pensé qu’il était temps que tu en découvres un, que tu
apprennes comment on le traque, et que tu goûtes au délicieux mets qu’il
procure.
    Son nom de « coq des bois » ne me disait pas
grand-chose, mais Wyrd poursuivit :
    — Cet oiseau a le regard farouche, le bec
impressionnant et les serres d’un rapace, mais il est beaucoup plus volumineux
et son cri rappelle un peu le beuglement d’un aurochs en folie. Pourtant, ce
n’est qu’un inoffensif herbivore. Je dirais que c’est maintenant, qu’il s’est
bien gorgé de myrtilles et autres baies dont il est friand, qu’il est vraiment
bon à manger. En hiver, il ne se nourrit que des pommes de pin, et une bouchée
de sa chair dégoûterait un chacal d’Illyrie. Certains l’appellent daufs-hana parce qu’au moment précis où il pousse son cri assourdissant, il n’entend plus
rien d’autre que lui-même. C’est à ce moment qu’il est vulnérable, gamin. Quand
tu entends un auths-hana te casser ainsi les oreilles, tu approches de
l’arbre où il s’est perché. Toujours en te cachant avec soin, et en cessant de
bouger dès qu’il s’arrête. Dès qu’il reprend son hurlement, tu fonces. Tu peux
alors faire tout le bruit que tu veux en courant : tant qu’il crie, il ne
t’entendra pas. Au terme de cette approche, tu n’as aucun mal à l’abattre d’une
flèche.
    Wyrd continuait son laïus, mais ayant dû repasser derrière
lui lors d’un rétrécissement de la piste, je manquai la suite de sa
passionnante histoire sur le coq des bois. Peu importait, je la réentendrais
une autre fois. Wyrd avait toujours été communicatif, comme le devenaient selon
lui tous les coureurs des bois, habitués à vivre sans interlocuteur. Du reste,
au cours de sa récente période de déprime et d’éthylisme, il avait semblé,
lorsqu’il était en mesure de parler, déborder de choses à nous dire, comme s’il
avait eu besoin d’éponger un trop-plein de mots accumulés en lui sans qu’il
puisse nous les communiquer.
    Ma foi, je dois dire que sa volubilité me réjouissait
surtout le cœur. J’étais content de retrouver mon vieux Wyrd gaillard et
alerte, toujours prêt à jouer son rôle de fráuja pour l’apprenti que
j’étais. Bien sûr, ce n’était plus tout à fait le même vieux Wyrd. Son air
hâve, un peu hagard, sa voix devenue traînante faisaient un peu pitié, c’est
vrai. Ses cheveux et sa barbe étaient enchevêtrés de façon on ne peut plus
désordonnée, et il se tenait voûté sur sa selle, lui qui avait toujours
chevauché droit comme un « i ». Je me reprochai en moi-même ma
récente intransigeance à son égard. J’avais singulièrement manqué de
reconnaissance, ironisant amèrement sur son ébriété dans l’idée absurde qu’il
se faisait plaisir ; je réalisais à présent combien il avait souffert. Il
souffrait d’ailleurs encore, sans doute, mais voilait sa douleur de courage. Je
priai que ce retour à la piste lui rendît sa vigueur et sa santé d’antan, et me
promis de tout faire pour l’y aider. Si irascible, grognon et tyrannique qu’il
se montrerait à l’avenir, je ne lui en tiendrais pas rigueur ; je
considérerais au contraire son regain d’agressivité comme le signe d’un retour
à la vie. Peut-être cette course marquerait-elle un retour définitif aux bons
moments que nous avions pris l’habitude de vivre ensemble.
    Mais nul ne peut dire quand son heure sonnera.

 
26
    —  Akh, tu as vu ça ? s’exclama Wyrd de sa
nouvelle voix râpeuse, pointant quelque chose du doigt.
    C’était le lendemain matin, et nous étions à mi-pente d’un
des versants du Toit de Pierre, sur lequel la neige s’accrochait encore aux
crevasses et anfractuosités abritées du soleil. Wyrd me montrait une trace dans
la neige. Pas l’empreinte d’un sabot ni d’une patte, non. Plutôt un triple
sillon en pente douce, comme si trois animaux avaient glissé, côte à côte, le
long du versant.
    — Savez-vous ce qui a bien pu laisser de telles
marques ? demandai-je. Quand même pas des loutres en train de batifoler, à
cette altitude !
    —  Ne. Pas des loutres. Et c’est la trace d’un
seul animal, pas de trois. Comme tu peux le voir, ça ne ressemble en rien à ce
que peuvent laisser les habitants de ces hauteurs. Pour un homme des

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