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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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état comateux. Et à moins qu’une convulsion plus
forte ne me brise la nuque ou la colonne vertébrale, il n’y a qu’à espérer
qu’elles s’espacent et ne finissent par cesser. En attendant…
    Il haussa les épaules.
    — Vous ne délirez pas, pour l’instant. Vous parlez même
lucidement.
    — Ça m’arrivera encore par intervalles, oui.
    — Ma foi…, fis-je, hésitant. Je sais que vous
n’accordez pas plus de crédit à la religion qu’à la magie, mais… tant que vous
le pouvez encore… ne pourriez-vous pas, juste une fois, envisager de
prier ?
    Il piaffa.
    —  Skeit ! Mais qu’est-ce que la prière, si
ce n’est une vaine incantation ? Cela n’a pas plus de sens que le sonivium
tripudium [86] du devin. Ne, gamin. Ce serait de ma part
un minable expédient que de recourir à la compassion d’un dieu juste parce que
j’en ai à présent besoin, alors que je n’y ai jamais prêté attention au temps
où j’allais bien. Je ne vais pas me renier à ma dernière heure. Va-t’en,
maintenant. Va te reposer.
    Je fis ce qu’il me demandait, sans aller m’installer trop
loin toutefois, afin d’entendre s’il avait besoin de moi ou s’il m’appelait.
Mais je ne parvins pas à dormir, ou seulement par bribes, car je sentais bien
qu’il avait juste fait acte de bravoure en parlant d’espoir de rémission. La
« folie du chien » est fatale et irrémédiable, et ses déchirantes
attaques n’allaient pas diminuer, mais aller au contraire en s’intensifiant,
tant en fréquence qu’en brutalité.
    C’est ce qui se produisit. Je fus réveillé peu avant l’aube
par l’horrible mais désormais familier hurlement. Wyrd était de nouveau arqué à
fond, plus tendu encore qu’avant, si la chose était possible. Les vaisseaux de
son visage et de son cou, gonflés à éclater, étaient pourpres et palpitaient,
et ses yeux rouges semblaient lui sortir de la tête. Quant à sa bouche, elle
crachait tant de bave qu’elle en recouvrait presque sa barbe. Cette convulsion
fut plus longue que les deux précédentes, et je ne pouvais comprendre qu’il
puisse survivre à cela sans qu’un os de son dos ne se brise ou qu’un de ses
organes n’explose. Mais au terme de ce spasme comme de tous ceux qui suivirent,
au cours de cette épouvantable journée, Wyrd retomba à chaque fois dans un bref
répit, et son teint vira progressivement d’une couleur brouillée à un gris
cadavérique.
    Durant ces instants où il parvenait à ne pas s’endormir en
ronflant, il luttait pour reprendre son souffle et l’utilisait à parler… mais
seulement pour lui-même. Au cours de ses moments de rémission, il semblait
m’avoir oublié, se rappelant au contraire des souvenirs bien plus anciens. Ses
paroles étaient incohérentes, souvent si râpeuses qu’elles en étaient
inaudibles, mais le peu que je parvins à capter était sensé, et s’apparentait à
un langage bien plus doux que celui employé d’ordinaire par le rude coureur des
bois.
    Ainsi disait-il :
    — Si je devais un jour remettre le pied en Cornouaille…
ce serait en ce lieu où mon cœur est resté… Un jour… au fond de cette vallée où
quatre routes se rejoignent… nous nous sommes rencontrés elle et moi, nous
aussi… Elle marchait avec grâce et parlait doucement… Nous étions jeunes alors…
et nous nous ébattions là où vient danser l’aube…
     
    *
     
    À un moment, alors qu’il était dans les affres d’une
nouvelle attaque, il me vint à l’idée que je pourrais soulager sa souffrance en
glissant quelque support sous son dos arqué. J’accumulai divers objets dans ma
fourrure roulée en boule pour en faire une sorte de coussin, puis rampai tout
près de lui et alors que je le glissais sous sa colonne vertébrale, soudain et
sans crier gare, Wyrd essaya de me mordre exactement comme l’aurait fait un
loup.
    Il n’avait pas cessé de se contorsionner ni de frapper des
poings, juste une brève suspension de son cri le temps de tourner sa tête, de
la lancer vers moi et de refermer ses mâchoires qui ne manquèrent mon
avant-bras que d’un souffle. Ses dents claquèrent les unes contre les autres,
si fort qu’elles auraient transpercé ma tunique et emporté un gros morceau de
chair si elles m’avaient atteint. La bave de Wyrd n’en éclaboussa pas moins ma
manche. Tandis qu’il continuait ses terribles convulsions, sans tenter de me
mordre à nouveau, j’usai de quelques feuilles et d’un peu de l’eau

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