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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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main, au cas où il
bénéficierait d’une nouvelle rémission lui permettant de boire, ou de manger.
    —  Thags izvis, grogna-t-il. Quoique je doute
d’avoir besoin d’eux. Demain matin, j’espère être en train de déjeuner avec toi
et Andréas. Mais je ne souhaite pas te revoir avant. À présent, huarbodáu
mithgawaírthja [87] , Thorn.
    Et il ne me revit plus, jamais plus. Je redescendis la
montagne sur le dos de Velox en conduisant la monture de Wyrd par la bride,
mais pas plus loin que l’endroit où il ne pourrait plus les entendre s’ils hennissaient.
Là, je descendis de selle, les attachai une fois de plus, et remontai la pente,
très doucement, avec toutes les précautions de silence et d’invisibilité que
m’avait apprises Wyrd. Je réussis à ramper jusqu’à un endroit d’où, tapi dans
un taillis, je pouvais le voir sans qu’il puisse me repérer ni m’entendre, et
là je me couchai et attendis… obligé de cligner fréquemment des yeux pour
chasser les larmes qui obscurcissaient ma vue.
    Pendant longtemps, il resta simplement appuyé contre son
arbre, le regard perdu dans le vide, l’air pitoyable et famélique, affaibli,
sans énergie, la barbe et les cheveux enchevêtrés. Mais il devint évident qu’il
avait juste attendu que j’aie suffisamment redescendu la montagne… car il
allongea une main tremblante, attrapa la gourde que je lui avais laissée, la
déboucha et s’en vida le contenu sur la tête.
    Cela provoqua immédiatement en lui cet interminable
hurlement de loup, ses bras se mirent à battre dans tous les sens et la flasque
s’envola. Son corps s’arqua comme il l’avait fait si souvent, du moins il
essaya. Il ne put que ruer, lutter et tressauter au rythme de ses bonds, et la
résistance de ses liens dut encore accroître la douleur que lui infligeaient
ses contorsions. Le mucus blanchâtre s’accumula sous sa bouche largement
ouverte, tandis qu’il battait désespérément des poings sur le sol autour de
lui. Je savais que Wyrd avait à l’aide de sa gourde délibérément provoqué la
crise, souhaitant à l’évidence qu’elle fut assez intolérable pour être la
dernière.
    Je fis donc en sorte qu’il en soit ainsi. Décrochant l’arc
de guerre et y armant une flèche, je tendis l’arc, clignant des yeux pour les
désembuer, et visai posément, puis laissai filer la flèche… Tout cela ne prit
qu’un instant, mais ce n’était pas une simple impulsion.
    Dans l’infinitésimal laps de temps qui avait séparé
l’ébauche de sa crise et le départ de la flèche, je m’étais rappelé bien des
choses. Comment Wyrd m’avait donné le courage de donner le coup de grâce à mon juika-bloth gravement atteint. Comment il avait lui-même achevé la louve qui l’avait
attaqué, dans un geste de bonté et pour mettre fin à sa misère, alors qu’elle
venait de lui inoculer cette terrible « folie du chien ». La remarque
qu’il avait faite pas plus tard que l’après-midi même, comme quoi aucun animal
n’aurait mérité d’endurer ce qu’il souffrait. Et comment il avait, quelques
instants auparavant, rêvé de sa terre natale, de ces lieux remplis de souvenirs
charmants, et de sa jeunesse, de cette femme qui marchait noblement et parlait
doucement…
    Non, je n’avais pas agi sur un coup de tête. Je l’avais fait
pour qu’il puisse partir en paix, gagner enfin le repos, et aller savourer ses
rêves.
    Wyrd s’affaissa, calme et silencieux, aussi instantanément
que l’avait fait l’ auths-hana. Quand je pus enfin contenir le flot de
mes pleurs, je m’approchai de lui et le contemplai tristement, de ma hauteur.
La flèche avait précisément traversé son cœur, et frappé si profondément
qu’elle l’avait cloué à l’arbre, aussi l’arrachai-je violemment pour l’en libérer.
J’aurais aisément pu inhumer mon ami, car le sol était assez tendre, cet été,
même à cette altitude, mais je me souvins d’une autre de ses remarques ;
on n’enterrait que les animaux apprivoisés, avait-il affirmé. Je fis simplement
le vœu que son corps soit vite dévoré par les charognards, ces nettoyeurs qui
mettent de l’ordre dans la nature en la purifiant. Wyrd, en leur servant de
nourriture, accéderait ainsi à cette après-vie dont il m’avait dit :
« C’est cela, le paradis. » Je ne fis qu’un seul autre geste. À
l’aide de mon poignard de ceinture, je découpai un morceau d’écorce sur le
tronc, au-dessus de la tête de

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