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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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tout le long du trajet.
    Une bonne partie de l’argent que dépensaient ces gens
raffinés pour leur confort et leur parure partait dans l’achat ou la location
de domestiques. En sus des majordomes, jardiniers, garçons d’écurie, cuisiniers
et femmes de chambre que je me serais attendu à trouver dans ces fastueuses
demeures, il en était d’autres dont le travail et même le titre m’était totalement
inconnu. Le maître de maison, en sortant de chez lui, était par exemple
accompagné de son nomenclator, qui lui rappelait le nom de tous les gens
qu’il était amené à rencontrer en cours de route, le poussant au besoin du
coude pour qu’il ne passât pas sans les saluer. Une maîtresse de maison, quant
à elle, avait à son service une ornatrix, dont le seul travail était de
la conseiller dans le choix de ses robes, de l’aider à s’habiller ou à se
coiffer, de s’occuper de sa parure et de son maquillage. Le fils de famille
avait à disposition son adversator, chargé de veiller sur lui au cours
de ses fêtes nocturnes et de lui indiquer, par exemple, les obstacles à éviter
sur son chemin lorsqu’il rentrait passablement éméché. Le préfet Maecius avait
même un domestique portant le titre de phasianarius, chargé de prendre
soin de ses oiseaux exotiques, de la même espèce que cette volaille sauvage que
Wyrd appelait le faisan, mais que Maecius affirmait être un « oiseau du
Phase », son habitat d’origine ayant été la rivière Phasis, dans le
lointain royaume de Colchide [102] .
    Ces serviteurs aux fonctions spécialisées, imbus de leur
fonction et de leur titre, affectaient une attitude presque aussi hautaine que
celle de leurs maîtres, et se cabraient avec dégoût si l’on avait le malheur de
leur demander quoi que ce soit s’écartant de leur tâche. Une ornatrix, par
exemple, eût plutôt abandonné son poste que d’aller faire une course, cette
tâche subalterne étant du ressort d’une vile pedisequa. Je me souviens
qu’une fois, croyant faire un compliment à l’un des majordomes de cuisine qui
avait aidé à préparer le repas, je m’étais adressé à lui en l’appelant :
« mon bon coquus [103]  ». L’homme m’avait alors
froidement interrompu :
    — Vous m’excuserez, illustrissimus, de ne point
être un vulgaire coquus , lequel fait les marchés pour se procurer des
viandes et légumes à préparer. Je suis pour ma part l’ obsonator du
maître, son maître d’hôtel, si vous préférez. Mon travail consiste à superviser
tous les achats chez nos fournisseurs, et je ne prépare en fait que les mets
les plus délicats.
    Ces serviteurs emportaient d’ailleurs leurs titres jusque
dans l’au-delà. Dans le cimetière des légionnaires de la forteresse, j’avisai
la tombe d’un certain Tryphon qui, selon la pierre gravée à son nom, avait été
le tabularius [104] du légat Balburius. Il s’y
trouvait décrit comme pariator [105] , ce qui constituait pour un homme tel que lui le
plus beau compliment possible. Cela signifiait en effet qu’après sa mort, ayant
collationné ses dépenses et ses recettes, on les avait trouvées parfaitement
équilibrées.
     
    *
     
    Inutile de préciser, je pense, que je ne pouvais me
prévaloir d’aucun des attributs ou qualités décrits ici comme obligatoires pour
être reçu dans les cercles supérieurs de Vindobona. Non seulement je n’étais
pas de famille noble, mais je n’avais pas de famille du tout. Je n’étais ni
propriétaire terrien, ni négociant aisé. Je n’avais acquis aucune gloire à la
guerre, dans le domaine des lettres, ni au service de l’Empire. Mon seul
« serviteur » ayant joué ce rôle était à présent parti. Je possédais
un peu d’argent, certes, mais ce n’était rien comparé aux véritables riches. La
seule qualité que j’avais était l’impudence, et mon étonnement ne se tarissait
pas de constater à quel point elle continuait de me servir.
    Tout le monde me connaissait sous le nom de Thornareikhs,
qu’il avait plu à Thiuda de m’inventer, qui était changé le plus souvent en
Tornaricus, et chacun semblait accepter comme une évidence que j’étais issu de
quelque noble famille germanique. Dès qu’une conversation m’en offrait
l’opportunité, je faisais allusion avec désinvolture, comme en passant, à
« mes terres », et cela suffisait à persuader mes interlocuteurs que
j’en possédais, quelque part. Le préfet Maecius avait déjà laissé

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