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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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plus
incandescente que l’encens. » À l’endroit de la pièce où je me serais
attendue à trouver un autel ou une chaire, il n’y avait qu’une impressionnante
table de marbre qui aurait pu passer pour un élégant tabernacle, car y étaient
empilés une pyramide de dix barils de vin, tous munis d’un robinet et prêts à
l’usage, au milieu d’une collection de gobelets, de coupes et de plateaux
chargés de grappes de raisin de couleurs variées.
    — D’où peuvent provenir tous ces raisins ?
demandai-je, tandis que Dengla et les garçons venaient de prendre place sur une
des couches. Nous sommes pourtant loin de l’été !
    — Tu ne savais pas ? Si l’on enterre du raisin mûr
dans un coffre rempli de racines de radis, il demeure des mois entiers aussi
frais et doux qu’au premier jour. Il est évident qu’il nous faut du
raisin toute l’année, à manger en l’honneur du dieu du vin.
    Un groupe de femmes assises sur la couche la plus proche de
la table jouait une musique douce. Quand mes yeux se furent accoutumés à la
faible lumière, je pus voir l’une d’entre elles pincer les cordes d’une lyre,
une autre remuer un sistre, une troisième frapper doucement sur un tambour
maintenu entre ses genoux et la quatrième souffler dans une flûte de Pan,
tandis que la dernière chantait paisiblement dans une flûte à l’oignon. Ces
cinq femmes étaient nues.
    Les cérémonies bachiques ne semblaient pas s’embarrasser
d’un grand formalisme. Certains étaient déjà installés quand nous arrivâmes, et
d’autres s’introduisirent dans le temple après nous, seuls ou par groupes de
deux. Presque toutes étaient des femmes ; il y avait tout au plus dix à
douze hommes. Tous les participants, avant d’aller s’asseoir sur une couche,
filaient droit vers la table de marbre et remplissaient de vin un gobelet ou
une coupe. Tous faisaient ensuite force allers et retours vers les barils, dans
le but évident de se débarrasser rapidement de toute timidité et de toute
réserve. Dengla n’était pas en reste et buvait sec, pressant ses enfants de
l’imiter et m’incitant à faire de même. J’allai donc me servir un gobelet, que
je remplis à plusieurs reprises pour ne pas apparaître discourtoise, mais en
prenant soin chaque fois d’en renverser une bonne partie dans un vase voisin.
    De la même façon, afin de ne point paraître trop indiscrète,
je contins mon envie de tourner le cou dans tous les sens pour observer les
assistants. Mais je pus aisément discerner que certains n’étaient pas du petit
peuple. Sans avoir à tourner la tête, je vis plusieurs femmes habillées de
robes fines, et j’en reconnus trois rencontrées au cours de banquets fréquentés
en tant que Thornareikhs. Le genre de créatures dont j’ai déjà parlé non sans
dédain, qui passent leur temps chez les astrologues. Il y avait également là un
homme d’un certain âge, à l’embonpoint envahissant. Stupéfaite, je reconnus en
lui le préfet Maecius. La veuve Dengla n’avait donc pas besoin de se livrer à
la sorcellerie haliuruns pour connaître les secrets de la haute société.
Il lui suffisait pour extorquer ce qu’elle souhaitait, et quand elle le
voulait, de menacer de divulguer que Maecius et ces dames bien nées – sans
compter ceux et celles que je n’avais pas encore repérés – pratiquaient le
culte de Bacchus. Melbai m’avait déjà solennellement avertie de l’une des
règles sacro-saintes des sociétés bachiques : aucun des participants ne
devait raconter à quiconque ce qui se passait à l’intérieur du temple. Si
Melbai et les autres ne l’avaient pas fait, je jugeais la veuve Dengla
parfaitement capable d’enfreindre cette règle, si cela devait lui profiter
d’une façon ou d’une autre.
    Au bout d’un moment, les cinq femmes nues firent une pause,
et le murmure des conversations cessa, tout comme la dégustation du vin. Puis
les musiciennes se remirent à jouer, de façon plus sonore, ce que je présumai
être l’hymne en l’honneur de Bacchus. Loin d’être harmonieux, c’était assez désagréable
et plutôt discordant. Une porte s’ouvrit derrière la table de marbre blanc, et
les prêtres et prêtresses firent leur entrée. Ces trois hommes et ces onze
femmes, dont Melbai, traînaient chacun derrière eux un chevreau, qui avançait à
contrecœur en bêlant douloureusement. Pour les accueillir, les bacchantes
crièrent en chœur : «  Io ! Salve !

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