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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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été le
cas, je n’aurais pas osé l’exprimer. Aussi, hormis les bruits de notre
mastication et ceux des gorgées d’eau de nos gobelets, il n’y eut rien d’autre
à entendre, jusqu’à ce qu’une faible plainte inarticulée nous parvienne de la
cuisine.
    Théodoric et moi échangeâmes un regard au-dessus de la
table, et nous précipitâmes ensemble vers la porte. La jeune fille était
adossée au mur de la minuscule cuisine, et pour changer, elle n’était plus rose
mais blanche comme un linge. L’œil agrandi d’horreur, elle regardait le foyer
de la cheminée de brique. Sur l’un de ses rebords elle avait déposé la
« trompette », avant de placer par-dessus plus tard, sans y prendre
garde, une louche à long manche. Or cette dernière était en train de ramper, de
son propre chef, ce qui ne laissait pas d’être assez inquiétant, vers le côté
du rebord en question. Au moment où nous la fixions tous les trois, elle
accéléra même légèrement sa reptation, parvint en équilibre instable au bord de
la cheminée, et bascula sur le sol de terre battue.
    — Les trompettes sonnent ! exulta Théodoric. Ça a
enflé !
    — Oui, mais si doucement…, murmurai-je.
    — Peut-être cela suffira-t-il. Soyez bénie,
Aurora !
    Il planta un baiser sur sa joue encore pâle, puis me fit un
signe urgent :
    — Suis-moi, Thorn !
    Il saisit la lance qu’il avait posée de côté tandis que nous
mangions, enfila son casque et sortit en trombe. Je coiffai précipitamment le
mien et le suivis. Nous étions à peine sortis qu’un nouveau son nous parvint.
C’était un long grincement qui semblait faire résonner tout l’air alentour.
Théodoric remonta en courant la rue qui menait au portail, et je le suivis.
Tandis que nous courions, le bruit devint plus aigu, se mua en une sorte de
mélopée, et bientôt en un cri intense et perçant. Les Ostrogoths que nous
dépassions étaient tous debout, groupés les uns auprès des autres, et l’esprit
rempli de confusion, ils serraient convulsivement leurs armes. De nombreux
officiers, laissant la tête dépasser légèrement de l’abri des maisons,
lorgnaient d’un œil curieux en direction du portail. Théodoric ne chercha pas à
se protéger ; il courut droit vers l’extrémité de l’esplanade faisant face
à l’entrée. Mais nulle flèche ne fut tirée des hauteurs de la muraille ;
les Sarmates devaient être aussi perplexes et interloqués que nos hommes.
    Quand je rejoignis Théodoric, il s’esclaffa en pointant du
doigt la porte, et entama une petite danse d’allégresse. Ce son surnaturel qui
faisait vibrer l’air provenait bien du portail lui-même. Contraint,
imperceptiblement déformé aux endroits où mes hommes et moi avions inséré nos
tubes de métal, il exhalait maintenant une puissante plainte d’agonie. Au
fracas initial se mêlèrent d’autres bruits : grognements désapprobateurs
du vieux bois entêté qu’on forçait, craquements de la structure comprimée se
brisant en éclats, hurlements des pointes de fer et verrous geignant sous la torsion.
Je pouvais voir et entendre les énormes agrafes et bossages de fer, arrachés çà
et là des madriers de surface, s’extraire dans un rude grincement nasillard.
    Soudain le point faible du portail, le portillon inséré dans
son battant de droite, arrivé à son point de gauchissement ultime, se brisa par
endroits. Ce volet était aménagé de façon à laisser passer une personne à la
fois. Lorsqu’il éclata en plusieurs morceaux, il laissa entrevoir vers le haut
une lourde traverse de défense bloquant l’arrière de la porte. Mais il formait
désormais un enchevêtrement de planches brisées qui pouvait être nettoyé et
libérait une hauteur équivalant à la taille d’un homme et demi.
    Théodoric se retourna instantanément et cria à l’escadron
d’infanterie le plus proche :
    — Dix hommes munis d’épées ! Au portail !
Dégagez-moi ce portillon ! Entrez là-dedans et enlevez toutes les
traverses !
    Les dix premiers guerriers de la colonne avancèrent sans
hésiter sur l’esplanade. Les sentinelles sarmates ayant suffisamment repris
leurs esprits pour décocher une volée de flèches, seuls neuf parvinrent au
portail, tandis que Théodoric et moi nous mettions à l’abri à l’angle d’une
maison proche. Les premiers soldats arrivés sur place s’attaquèrent à coups
d’épée aux fragments du volet déformé puis les arrachèrent à mains nues,

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