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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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de m’éterniser dans cette ville,
poursuivit Théodoric. Comme tout bon Goth, l’idée même d’une cité entourée de
murs me donne la nausée. Je préfère de loin notre cité Amale de Novae, ouverte
sur le Danuvius et les plaines qui l’entourent. Bien entendu, vous, mes
maréchaux, ne confierez rien de tel aux empereurs. Expliquez-leur au contraire
que je me plais à Singidunum comme nulle part ailleurs, que je compte m’y
installer à jamais, et que j’ai déjà presque oublié mon ancienne capitale de
Novae. Car une chose est sûre, j’y resterai tant que je n’aurai pas obtenu ce
que j’attends en échange de Singidunum. Du moins, pour rester réaliste, je la
conserverai aussi longtemps que je le pourrai. Vous devez donc faire connaître
mes exigences à Ravenne et à Constantinople avant que je n’en sois dépossédé à
la faveur d’une contre-attaque sarmate.
    Il se pencha par-dessus la table et nous glissa à chacun un
parchemin portant un message de sa main et le sceau de son monogramme imprimé
dans la cire pourpre.
    — J’ai passé la nuit à composer tout cela, fit-il. Le
vôtre est en latin, Saio Soas. Le tien en grec, Saio Thorn.
    Je murmurai d’un ton navré :
    — Je parle un peu le grec, Théodoric, mais je suis
incapable de le lire.
    — Tu n’en auras pas besoin. Les officiels de
Constantinople le lisent très bien. De toute façon, vous savez l’un comme
l’autre ce que je réclame. Les empereurs devront me prouver leur reconnaissance
d’avoir arraché cette ville aux mains des Sarmates en m’envoyant un vadimonium ,
un engagement à valeur de pacte, renouvelant et ratifiant les traités passés
naguère entre mon royal père et l’Empire. À savoir que nous, les Ostrogoths,
serons assurés de la propriété permanente des terres de Mésie Supérieure que
nous avait garantie Léon I er . Nous exigeons la reprise de la consueta
dona réglée en rétribution de nos services comme gardiens des frontières de
l’Empire, qui se monte à trois cents librae [130] d’or par an, comme c’était le cas
auparavant. Une fois ce pacte signé, je livrerai la ville à la première force
que l’Empire enverra en garnison pour l’occuper. Pas avant, cependant, que le pactum m’ait été dûment accordé, et que j’aie pu m’assurer de sa bonne foi, comme du
fait qu’il ne puisse être remis en cause ni modifié par les successeurs de
Julius Nepos ou du dernier Léon.
    — Et quelle preuve pourrons-nous produire auprès de nos
empereurs respectifs que vous avez bien repris Singidunum ? demandai-je.
    Tous deux, considérant apparemment que j’ergotais dans le
vide, me jetèrent un regard quelque peu exaspéré, et Théodoric trancha,
définitif :
    — La parole d’un roi devrait en principe suffire. Mais
puisque tu as eu l’impudence de soulever cette question, il se pourrait que
d’autres le fassent à leur tour. Vous serez donc munis, le Saio Soas et
toi, de preuves indubitables.
    Élevant la voix, il appela :
    — Aurora, veuillez nous apporter la viande, je vous
prie.
    À cet ordre pour le moins curieux, je m’attendais à ce que la
jeune fille arrivât munie de plateaux et de couteaux. Mais elle revint porteuse
de deux sacs de cuir que j’eus l’impression d’avoir déjà vus, et les tendit à
Théodoric. Il ouvrit l’un d’eux, regarda à l’intérieur, le donna à Soas, et me
tendit l’autre, expliquant en même temps, d’un ton détaché :
    — Aurora a peu dormi cette nuit. Elle a soigneusement
fumé ces têtes, afin qu’elles ne soient pas trop putrescentes et fétides au
cours du transport. Celle de Camundus à l’intention de Julius Nepos, celle de
Babai pour Léon II. Ces preuves seront-elles suffisantes, Saio Thorn ?
    Soumis, je ne pus qu’acquiescer du chef.
    —  Saio Soas, c’est vous qui avez le plus long
trajet à faire, pour aller à Ravenne. Vous devriez vous mettre en route.
    — À vos ordres, Théodoric ! aboya Soas, sautant
sur ses pieds, saluant dans un claquement des talons, et disparaissant
instantanément par la porte de la rue.
    Avant même que je n’eusse ouvert la bouche pour lui demander
la route de Constantinople, Théodoric avait pris les devants :
    — Une barge t’attend au bord du fleuve, munie de
l’approvisionnement nécessaire et d’un équipage sûr. Tu vas descendre le
Danuvius jusqu’à ma cité mésienne de Novae. Comme tu connais désormais bien l’ optio Daila, je lui ai demandé de

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