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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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le plus ardent affrontement entre êtres humains. Je
chevauchais une rivière qui avait visiblement dû se frayer en force un chemin à
travers la roche solide, et qui continuait triomphalement à s’y employer. Comme
au combat, je sentis se tendre à l’extrême ma vigilance et ma conscience de ce
qui m’environnait. Avec une différence cruciale, cependant, et pas
particulièrement plaisante : dans ce genre de bataille entre deux
éléments, il n’y a aucun moyen de prendre parti, de s’allier avec l’un contre
l’autre, de décocher un coup ni d’en parer un. On ne peut qu’attendre, craindre
humblement sa violence, et espérer survivre à son dénouement.
    C’est sans doute pourquoi les anciens païens révéraient
davantage les dieux de la Terre, de l’Eau, de l’Air et du Feu que ceux de la
Création, de l’Amour ou de la Guerre.
    Cette effrayante et mouvementée partie du voyage, durant
presque une journée entière qui parut longue comme une semaine, s’acheva aussi
brusquement qu’elle avait commencé. La rivière dégorgea de la brèche entre les
montagnes, les falaises, de chaque côté, s’éloignèrent de nous, les chaînes des
Carpates et du Grand Balkan battirent en retraite au loin, et laissèrent place
à des forêts, des prairies et des broussailles. Comme s’il savourait cette
libération, le Danuvius cessa de rugir, n’exhalant plus qu’une sorte de soupir
de satisfaction, et ralentit son rythme, repassant tranquillement du galop à
l’amble, tandis que ses eaux retrouvaient leur teinte brune et s’aplanissaient
sur leur largeur d’origine. L’équipage nous pilota vers une berge herbeuse où
les chevaux purent brouter, et nous autres humains nous reposer, soulagés de
retrouver le plancher des vaches et de pouvoir avaler notre repas du soir.
    Les membres d’équipage s’esclaffèrent de voir les quatre
guerriers que nous étions – et nos chevaux ne valaient pas mieux –
chanceler et tituber en mettant pied à terre, et les deux archers grommeler
qu’ils ne s’étaient pas enrôlés dans l’armée de Théodoric pour jouer les marins
d’eau douce. Je suis sûr qu’ils avaient pourtant les muscles aussi endoloris,
les os aussi fatigués que nous, et qu’ils affichaient un courage de surface
pour mieux s’amuser de notre déconfiture. Pendant que nous nous restaurions,
ils nous annoncèrent, tout en nous traitant gentiment de « lutins de
terre », que nous n’avions encore rien vu, et que nous avions tout intérêt
à goûter les quelques jours de tranquillité qui s’offraient à nous. Selon eux,
nous avions négocié le défilé de Kazan, mais les rapides de l’aval, mieux
connus sous le nom de Porte de Fer, allaient bientôt reléguer ce dernier au
rang de tepidarium dans un bâtiment de thermes romains.
    Nous eûmes au moins le loisir, au cours des jours qui
suivirent, de délasser nos membres, de nous dénouer la colonne vertébrale et de
récupérer de nos bleus et douleurs diverses. Le Danuvius s’élargit entre les
montagnes jusqu’à devenir presque aussi étendu qu’un lac, sans rives bien
définies, celles-ci se fondant dans de vagues marécages. Son cours principal se
fit si lent et turgide que les bateliers durent pousser vigoureusement sur
leurs perches pour nous faire progresser à un rythme un peu plus soutenu. Leur
allure n’était de toute façon pas assez rapide pour Daila, les archers et moi,
qui ne souffrions plus d’ecchymoses et contusions, mais étions à présent mangés
par les insectes, et torturés d’intolérables démangeaisons. De véritables nuages
de moucherons suceurs de sang accompagnés de leurs prédateurs avaient surgi des
zones bourbeuses, et tous se régalaient insatiablement de nos chairs, nous
tourmentant abominablement.
    Habitués sans doute à ces grouillants essaims, les mariniers
semblaient n’y prêter aucune attention, se contentant de les écarter de temps à
autre d’un machinal geste de la main devant le visage pour conserver un
semblant de visibilité. Quant à nous, nous ne cessions de nous gratter jusqu’au
sang et, incapables de trouver le sommeil, nous fûmes bientôt proches de la
folie. Chaque parcelle exposée de notre peau était labourée de la marque de nos
ongles et les piqûres d’insectes se chevauchaient sur nos mains et nos visages
boursouflés. Les trois guerriers barbus s’étaient même arraché des lambeaux de
leur toison faciale. Nos paupières gonflées ne s’ouvraient plus

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