Thorn le prédateur
n’ayant encore jamais
réfléchi à ce genre de distinction.
— Toujours est-il que Constantin, alors à la tête des
empires d’Orient et d’Occident, considéra l’adoption du christianisme comme un
moyen de cimenter son empire, empêchant sa désintégration. N’étant pas un
théologien capable d’appréhender à sa juste mesure le profond fossé séparant
les deux croyances, il organisa à Nicée un concile afin de déterminer laquelle
devrait prévaloir.
— Franchement, Frère Côme, je ne distingue pas
clairement en quoi elles diffèrent fondamentalement.
— Allons, allons ! fit-il, impatienté. Arius, sous
l’évidente inspiration de Satan, assurait que le Christ était une création de
Dieu le Père. Inférieur au Père. En fait, un simple messager du Père. Mais s’il
en était ainsi, vois-tu, alors Dieu pourrait à tout moment renvoyer sur Terre
un autre rédempteur tout à fait semblable ! Si l’hypothèse d’un nouveau
messie était ne serait-ce qu’envisageable, les prêtres chrétiens n’auraient
plus la possibilité de prêcher une vérité à la fois unique et incontestable.
C’est pourquoi la scandaleuse assertion d’Arius révolta tout naturellement la
majorité des prêtres chrétiens de ce temps : elle aurait tout simplement
aboli leur raison d’être.
— Je vois…, articulai-je, tout en pensant en mon for
intérieur que j’aurais aimé que Dieu puisse envoyer ici-bas un autre Fils de
mon vivant.
— Le concile de Nicée [21] rejeta la
thèse arienne, mais ne la condamna pas encore avec la puissance nécessaire.
Constantin lui-même eut donc tendance, durant le reste de son règne, à incliner
du côté de l’arianisme. Et force est de constater que l’Église d’Orient, qui
s’intitule elle-même Église orthodoxe, penche toujours vers un certain nombre
des enseignements ariens. Tandis que nous, chrétiens d’Occident, considérons à
juste titre que le péché est un vice, et son seul remède la discipline, les
insipides chrétiens d’Orient l’envisagent simplement comme de l’ignorance,
qu’il faudrait corriger par l’éducation.
— Et quand l’arianisme fut-il finalement
condamné ?
— Une cinquantaine d’années après la mort d’Arius, lors
d’un synode réuni à Aquilée. L’évêque saint Ambroise, qui le dirigeait, eut
l’heureuse inspiration d’y renforcer la présence d’évêques de l’obédience
d’Athanase. Seuls deux évêques ariens s’y rendirent, et ils furent cette fois
véritablement vilipendés, mortifiés puis excommuniés, se trouvant ainsi
spectaculairement exclus de l’épiscopat chrétien. L’arianisme était vaincu.
L’Église catholique ne devait plus, dès lors, subir la souillure de cette
hérésie.
— Comment, dans ce cas, les Goths sont-ils devenus
Ariens ?
— Peu de temps avant que l’arianisme soit frappé
d’anathème, l’évêque arien Wulfila partit arpenter en missionnaire les terres
sauvages où les Wisigoths vivaient dans leurs tanières de loups. Il les
convertit, eux-mêmes convertirent leurs frères et voisins Ostrogoths, qui
convertirent à leur tour les Burgondes, ainsi que d’autres peuples étrangers.
— Mais enfin, Frère Côme, on avait sûrement envoyé dans
le même temps des missionnaires catholiques dans ces terres étrangères.
— Akh, ja. Mais tu dois te souvenir que ces
peuples germaniques n’ont que l’intelligence de brutes épaisses. Ils ne peuvent
tout simplement pas concevoir que deux entités divines, telles que le Fils et
le Père, constituent une seule et même substance. Cette vision requiert
l’exercice de la foi, non de la raison. Elle fait appel au cœur, non à
l’esprit. L’ignorance est mère de la dévotion. Mais le credo arien,
stipulant que le Fils est juste semblable au Père, celui-là, les étrangers
peuvent le comprendre dans leurs épaisses cervelles, sans avoir à employer
leurs cœurs de brutes.
— Pourtant, vous les avez qualifiés de chrétiens.
Côme ouvrit les mains :
— Juste parce qu’ils suivent indéniablement les
admonitions du Christ, l’amour du prochain et ainsi de suite. Mais ils
n’adorent pas le Christ comme ils le devraient : ils ne révèrent que Dieu.
Je pourrais donc tout aussi bien les appeler des Juifs. Peu importe. Parmi
leurs absurdes principes, il y a celui que deux formes de dévotion peuvent
coexister. C’est pourquoi ils tolèrent stupidement l’incursion d’autres
religions, telle que
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