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Titus

Titus

Titel: Titus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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terrassements, les toits en terrasses des maisons de la ville haute.
    Là s’entassaient encore des dizaines de milliers d’habitants côtoyant les cadavres, raclant le sol pour y trouver une graine, un détritus oubliés.
    Et ce jour-là précisément, le 17 du mois d’août, un prêtre qui avait réussi à fuir la cité s’est affaissé devant Josèphe et a raconté comment une femme nommée Marie avait tué de ses mains son enfant, puis l’avait fait rôtir. Elle en avait dévoré la moitié, et lorsque, attiré par le fumet criminel, les brigands l’avaient menacée de l’égorger si elle ne leur dévoilait pas ses réserves de nourriture, elle avait montré les restes de l’enfant et crié : « C’est moi qui ai fait cela ! Mangez, car moi aussi j’en ai mangé avidement ! Ne vous montrez pas plus faibles qu’une femme, ni plus compatissants qu’une mère ! »
    Le prêtre s’est allongé, les bras en croix, face contre terre. Il sanglotait. Et Flavius Josèphe l’a relevé, serré contre lui, partageant son désespoir.
    Des soldats s’étaient approchés, avaient entendu le récit du prêtre. Certains montraient de la compassion pour les souffrances des Juifs, mais la plupart exprimaient leur haine, leur désir d’enterrer sous les décombres de sa ville ce peuple qui dévorait ses propres enfants.
     
    J’ai pensé à Léda, à ces victoires successives, à la guerre qui engendrait tant de folie et de haine.
    J’ai prié Christos, le dieu qui avait souffert sur la croix comme le plus humble des hommes.
    Mais, autour de moi, je n’entendais que des voix qui maudissaient, qui disaient leur hâte d’en finir avec ce peuple, sa ville et son Temple.
     
    J’ai vu Titus se pencher sur le prêtre, lui demander de raconter à nouveau ce qu’il savait. Puis il s’est éloigné, il est resté un moment seul avant de revenir vers nous et de s’adresser aux soldats :
    — Je prends à témoin les dieux de ma patrie et la divinité, quelle qu’elle soit, qui a veillé sur cet emplacement, a-t-il dit. Je prends à témoin mon armée, les Juifs réfugiés auprès de moi. Ce n’est pas moi qui ai voulu souiller cette ville, prolonger les combats jusqu’à ce que les mères affamées deviennent plus féroces que des louves. Je suis innocent de ce crime, car j’ai offert la paix, le pardon. Mais quelques-uns parmi les Juifs ont préféré la révolte à la concorde. Et ils ont entraîné leur peuple dans cet abîme. Au fond, là où ils sont, il y a cette mère qui se nourrit de la chair de son enfant. Mais cette ville où des crimes aussi monstrueux sont commis, je ne la laisserai pas contempler le soleil. Les dieux nous aideront à ensevelir sous les ruines jusqu’au souvenir de cet acte inhumain.

 
     
31
    Je n’ai pas oublié l’acte barbare de cette mère devenue folle.
    Mais j’en ai vu tant d’autres, durant ces mois d’août et de septembre, que ma mémoire en suffoque. L’enfant rôti et dévoré par celle qui l’avait porté, aimé, nourri de son lait, ne fut en effet que l’un des crimes monstrueux que cette guerre de Judée, cette conquête de Jérusalem engendra. Ce n’était plus le temps de la pitié, mais celui de la haine et du massacre, de l’incendie embrasant le Temple, des flammes enveloppant les corps, des glaives tranchant les vies.
    J’ai assisté à cela jour après jour.
    Quand Titus a donné l’ordre à ses soldats de raser la forteresse Antonia enfin conquise, quand je l’ai vu sélectionner dans chaque centurie les trente meilleurs soldats et confier chaque groupe de mille d’entre eux à un tribun, j’ai su qu’il en serait ainsi.
    Ce fut le temps des corps à corps dans la nuit, car la journée elle-même était obscure tant la poussière qui s’élevait des ruines et la fumée qui montait des brasiers étaient denses.
    Ce fut le temps des clameurs dans la ville en feu.
    Les soldats lançaient leurs cris de guerre, les rebelles encerclés par la flamme et le fer hurlaient, le peuple de la ville haute était un troupeau affolé qui se précipitait sur les légionnaires en croyant les fuir, et qui gémissait au moment où les javelots, les lances, les glaives s’abattaient sur eux, qu’ils fussent enfants, femmes ou vieillards.
    J’ai marché parmi les monceaux de cadavres. J’ai craint de reconnaître parmi eux celui de Léda.
    Ils étaient si nombreux qu’ils couvraient le sol et que les soldats, pour poursuivre les fuyards, devaient les

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