Titus
supplications de Flavius Josèphe et autorisé les prêtres à gagner la ville côtière de Joppé où des rabbins avaient réuni quelques élèves afin de prier, d’étudier la Loi, les enseignements et la Torah.
Flavius Josèphe s’est enfin redressé et je lui ai demandé à nouveau combien de vies devraient s’écouler, se succéder pour que la pousse verte de l’espoir se fraie un chemin dans ce sol caillouteux, souillé par le pus et le sang des cadavres, dans ce paysage saccagé où ne se dressait plus qu’une forêt de croix, cette ville empuantie par la mort et promise, si son dieu n’intervenait pas, à la destruction.
Josèphe m’a pris le bras et nous avons marché le long du rempart et des terrassements que Titus avait fait construire pour étouffer la ville avant d’attaquer sa dernière défense.
Les machines de siège, les hélépoles, les scorpions, les balistes, les catapultes étaient en action, et les sifflements des boulets déchiraient l’air brûlant, mêlant leurs aigus aux chocs sourds et graves des béliers frappant la dernière enceinte.
— Les Juifs résistent, a murmuré Josèphe. Les zélotes ont détourné notre fermeté d’âme, notre confiance à leur profit, mais même ces brigands expriment les qualités de notre peuple. Ni la sédition, ni la famine, ni la guerre ne nous feront disparaître.
Il a serré mon poignet, son avant-bras collé au mien.
— Même si le sol de Judée se dérobe sous nos pas, il nous restera notre Loi, notre foi, notre Torah. Les mots de la prière seront notre patrie. Chacun de nous sera une ville sacrée et un temple pour Dieu.
— Dans combien de temps, ici, la vie renaîtra-t-elle ? ai-je répété en montrant la ville, l’enceinte au pied de laquelle on se battait.
Les Juifs avaient tenté une nouvelle fois de mettre le feu aux machines de siège, mais nos soldats, sur leurs gardes, les avaient repoussés.
— C’est Dieu qui décide du moment, Serenus. Pour un homme de foi et un peuple croyant et fidèle, le temps n’est qu’une succession de prières dans l’attente du Messie.
— Christos, pour ceux qui croient en ce dieu ? ai-je avancé.
— Ce sont là les fils impatients de notre peuple, a murmuré Flavius Josèphe. Ils se sont jetés dans l’erreur, le sacrilège. Et Dieu les a abandonnés, quand bien même ils sont des enfants du peuple élu.
Tout à coup, dans un grand fracas et un nuage de poussière, un pan de la dernière enceinte s’est effondré et nos soldats se sont élancés dans la brèche.
— Dieu vous a aussi abandonnés ! ai-je dit.
Flavius Josèphe a secoué la tête.
— Dieu n’abandonne que ceux qui le quittent, le bafouent, souillent le Temple et oublient la Loi.
J’ai vu à cet instant les légionnaires reculer, abandonner la brèche, et je me suis approché des centurions et des tribuns qui, arme au poing, la cuirasse couverte de terre et de sang, s’étaient rassemblés autour de Titus.
Ils lui expliquaient qu’ils avaient découvert, derrière l’enceinte effondrée, un second mur, moins haut mais qui leur paraissait impossible à prendre. Les hélépoles et les béliers ne pouvaient être avancés jusqu’à lui. La brèche du premier mur était trop étroite, les assaillants ne pouvaient s’y glisser qu’à quelques-uns et devenaient des cibles faciles à atteindre pour les Juifs, nombreux, agglutinés au faîte du second mur.
J’ai vu Titus s’approcher des tribuns et des centurions, les dévisager les uns après les autres, puis se placer au centre du cercle que ces hommes formaient autour de lui.
Il a levé son glaive.
— L’ascension du rempart est difficile, a-t-il déclaré d’une voix basse. Mais les dieux sont à nos côtés. La famine, la sédition, le siège, les remparts qui tombent, qu’est-ce que cela signifie, sinon que la colère des dieux s’est abattue sur la tête des Juifs et qu’ils nous apportent leur aide ?
Il s’est interrompu, puis à nouveau rapproché des tribuns et des centurions.
— Peut-être en attaquant ce rempart allons-nous mourir. Peut-être, a-t-il répété.
Puis, reculant, il s’est écrié :
— L’âme est condamnée au tombeau avec le corps, si la mort n’est pas glorieuse ! Est-il un brave parmi vous qui l’ignore : les âmes que le fer d’une arme a libérées de la chair au cours de la bataille sont accueillies par le plus pur des éléments de l’univers, l’éther ! Elles prennent place
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