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Titus

Titus

Titel: Titus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pourrait accueillir plusieurs dizaines de milliers de spectateurs.
    J’ai désigné d’autres captifs qui passaient, écrasés sous des charges, eux qui avaient été peut-être de savants lecteurs de la Torah. On les insultait, on les forçait à regarder les scènes montrant la destruction du Sanctuaire. On riait de leurs larmes quand ils découvraient, dans le butin exposé, les objets les plus sacrés de leur culte, des Juives captives contraintes par leurs maîtres à se prostituer.
    Depuis la prise de Jérusalem et la reconquête de la Judée, on avait tant déversé de prisonniers juifs sur les marchés aux esclaves de Rome que leur valeur s’était effondrée et qu’on les vendait pour quelques drachmes à des lanistes qui, dans les cirques de toutes les villes de l’Empire, les livraient aux fauves ou les obligeaient à s’entretuer.
    Mais Léda, sitôt que j’avais retiré ma main de son menton, laissait retomber sa tête sur sa poitrine.
    Elle refusait de voir, mais elle était contrainte d’entendre les cris de la foule lorsque le cortège s’arrêtait devant le temple de Jupiter Capitolin.
    Je lui décrivis ce que j’apercevais : Simon Bar Gioras que des soldats arrachaient au groupe des prisonniers qu’ils traînaient, le fouettant jusqu’au lieu du supplice. Et la foule s’était tue, si bien qu’on distinguait le sifflement des lanières, les gémissements du supplicié que l’on forçait, sur le Forum, à s’agenouiller, puis le glaive d’un centurion tranchant sa gorge et sa nuque. Un héraut cria que le châtiment s’était abattu sur le général ennemi, que sa tête avait été coupée.
    Ce fut alors une immense vague d’acclamations, cependant que Vespasien et Titus commençaient les sacrifices, égorgeant des taureaux, laissant le sang jaillir et y plongeant les mains pour y puiser de la force.
     
    Tout à coup, ces mains rougies, ces tuniques pourpres formèrent devant mes yeux comme un voile sanglant.
    J’ai titubé. J’ai eu l’impression que si je ne m’étais pas retenu au bras de Léda Ben Zacchari, je me serais affaissé.
    Ce n’a été qu’un instant de faiblesse au cours duquel j’ai oublié où je me trouvais, craignant de basculer dans l’un de ces ravins, celui du Cédron ou de la Géhenne, qui entouraient Jérusalem et où j’avais vu s’amonceler et pourrir tant de cadavres.
    Cette puanteur de mort, ce pus qui se répandait, ces chiens errants qui disputaient des lambeaux de chair aux hyènes, aux chacals, aux charognards aux ailes noires, voilà ce qui avait permis ce triomphe, cette accumulation de butin, cette débauche de richesses et de beautés.
    J’ai rouvert les yeux.
    Vespasien et Titus prononçaient les prières rituelles aux dieux de Rome.
    Ce n’étaient plus les miens.
    J’ai entraîné Léda et j’ai murmuré, pour elle et pour moi :
    — L’Éternel est Un.

 
     
39
    Presque chaque jour, j’ai répété à Léda que j’avais foi, comme elle, en un dieu unique.
    Assise sur le sol au pied du lit, les bras enserrant ses jambes repliées, le front posé sur ses genoux, ses cheveux longs comme un épais voile couvrant sa tête, elle paraissait ne pas m’entendre.
    Mais je continuais à lui parler.
    J’espérais que les mots que je prononçais la délieraient, que je verrais son corps se redresser, ses bras s’ouvrir, qu’elle écarterait ses mèches, me laissant voir son visage, ses yeux, qu’elle se lèverait et s’approcherait de moi.
    Je lui disais que le dieu des Juifs était si semblable à celui des disciples de Christos que moi qui ne croyais plus aux divinités de Rome, je les confondais.
    Et Flavius Josèphe, mon ami, qui avait été l’un des prêtres du Temple, me semblait partager cette conviction. Et Agrippa et Bérénice, juifs comme lui, qui célébraient ici à Rome les fêtes juives, respectaient les chrétiens. Paul, citoyen romain, supplicié au temps de Néron, n’était-il pas juif et disciple de Christos, l’envoyé de Dieu, Dieu lui-même crucifié, juif lui aussi ?
    Je voulais la convaincre que nous étions proches.
    Ne l’avais-je pas affranchie ?
    J’évoquais le souvenir de mon maître Sénèque. Cette maison où nous habitions avait été la sienne.
    Je montrais à Léda le jardin, les cyprès auprès desquels Sénèque souvent m’avait parlé de l’immortalité de l’âme. C’était ma foi. Ce devait être celle de Léda. Nous avions vu, elle et moi, la cruauté et la mort dévorer

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