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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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« je », c’est surtout Coustot ! On a retrouvé les tableaux. Enfin plus précisément les cadres. Pas les toiles bien sûr !
    — Où ça ? s’enquit Cantarel.
    — En principauté d’Andorre, dans le coffre d’une voiture abandonnée sur le parking d’un supermarché.
    — Merde ! laissa échapper le conservateur dont les écarts de langage relevaient de l’exceptionnel.
    — Comme vous dites, et pour rester sur le même registre sémantique, ce qu’il y a de plus emmerdant, c’est qu’on a retrouvé non pas deux, mais trois cadres ! Les deux au format de ceux qui ont été dérobés ce week-end, plus un troisième !
    — Comment cela ?
    — Oui, un cadre 56 centimètres par 110, estampillé HTL ! confirma Théo.
    Hélène Cantarel, dont l’esprit de synthèse lui avait plusieurs fois valu les félicitations du jury lors de la présentation de chacune de ses thèses, s’invita dans la conversation :
    — Vous êtes en train de nous dire, Théo, qu’on a retrouvé un cadre du musée d’Albi sans sa toile, sans que celui-ci ait été déclaré volé ? Nous nageons en plein délire, Séraphin !
    — Vous êtes sûr de ce que vous avancez ? insista le conservateur, toujours incrédule.
    — Coustot doit faire rapatrier dans la journée les trois cadres pour que nous les expertisions.
    — Quel est le point de vue de Dorléac ? demanda Séraphin.
    — Il n’est pas encore informé ! répliqua Trélissac.
    — Mieux vaut lui acheter une douzaine de mouchoirs car il va passer sa journée à s’éponger le front !
    En toutes circonstances, Séraphin Cantarel savait garder cette distance qu’impose la succession des événements quand ils vous sont défavorables ou carrément hostiles. L’humour et davantage la dérision étaient sa panacée.
    — Quels sont les tableaux qui répondent à ce format ? questionna le conservateur parisien.
    — Il n’y en a qu’un, patron !
    — Lequel ?
    — Il fait partie de vos favoris, je le sais. Celui qui est baigné de rouge… sang !
    — Bon Dieu ! Ne me dites pas que c’est le Gabriel Tapié de Céleyran au théâtre  ?
    — Exactement, monsieur ! Sauf qu’il est bien à sa place au musée.
    — Tout cela ressemble à un gag ! fit remarquer Hélène dont le chemisier échancré laissait entrevoir de fines taches de rousseur qui la rendaient irrésistible aux yeux de Théo.
    — Allons voir cela immédiatement !
    À peine Cantarel et son épouse avaient-ils franchi le seuil du palais de la Berbie que Jean Dorléac accourait d’un pas alerte. Déjà, il était en nage.
    — Vous êtes au courant, je suppose ? dit l’Albigeois qui gommait son accent légèrement chantant quand il s’adressait à Cantarel.
    — Pardonnez-moi, Dorléac, je ne vous ai pas présenté ma femme, Hélène. Elle vient d’arriver par le train de nuit, un peu fourbue, mais tellement heureuse d’être à Albi. Toulouse-Lautrec n’est peut-être pas sa tasse de thé, mais la cathédrale d’Albi, en revanche, saura satisfaire sa curiosité, n’est-ce pas chérie ?
    Hélène se contenta de sourire gentiment aux propos de son mari. Néanmoins, elle crut bon d’ajouter :
    — Vous avez à Albi, cher monsieur, le plus bel Enfer jamais peint que je connaisse !
    L’archéologue faisait allusion aux gigantesques fresques des XV e et XVI e  siècles qui couvraient les murs de la cathédrale Sainte-Cécile. Jetant un coup d’œil en direction de Théo, elle laissa échapper :
    — Mon intime conviction, toute féminine, c’est que le diable a quitté la cathédrale pour prendre ses quartiers de printemps au palais épiscopal. Il me semble avoir redoublé de roueries pour semer le trouble dans vos esprits et le désordre dans vos collections.
    — Je t’en prie, ma chérie, n’accable pas M. Dorléac. Il est comme nous tous ici : en proie au doute et incapable de soupçonner le caractère malin, et je dirais presque pervers, des voleurs !… tempéra le conservateur parisien en prenant Hélène par la taille.
     
    Quelques minutes plus tard, tous se retrouvèrent devant la toile en question.
    Gabriel Tapié de Céleyran, le cousin de Lautrec, était bien à sa place, la main gauche enfouie dans son pantalon, son haut-de-forme s’étageant sur son crâne, la mine mélancolique, la tenue sombre, dans ce décor de théâtre qui était celui de la Comédie-Française avec sa moquette outrageusement rouge. Ce rouge andalou qui

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