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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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étalage de nos sentiments !
    — Je comprends. Où vous retrouviez-vous alors ?
    — Au musée essentiellement…
    — Sous l’œil voyeur et pour le moins coquin de Lautrec ? railla le policier.
    — On peut rêver d’une plus grande intimité ! fit remarquer Albin Couderc.
    — Cette maison est un vrai nid d’amour, sans réel vis-à-vis… suggéra Coustot tout en palpant son paquet de Gitanes à travers la poche de son pantalon.
    — Il lui arrivait de venir se réfugier ici quand il n’avait pas le moral.
    — René Labatut était très déprimé, en effet, ces derniers temps, insista le policier.
    — Il se faisait beaucoup de souci effectivement, acquiesça Denise Combarieu en portant son porto à ses lèvres comme un curé boit le vin de messe : avec componction.
    — Les mœurs débridées de ses deux fils le préoccupaient beaucoup, n’est-ce pas ?
    — Ces deux-là, on peut dire qu’ils ont poussé leur père dans la tombe ! Ah, ils ont de qui tenir ! C’est bien connu : les chiens ne font pas des chats. Avec une mère pareille…
    — René Labatut vous avait-il fait des confidences sur les activités de souteneurs de ses fils ?
    — Longtemps, ils ont pris leur père pour un imbécile, lui soutirant le peu d’argent qu’il avait. Ces derniers jours, il était exténué. René s’estimait floué par toute sa famille.
    — Et l’affaire de l’alarme débranchée a été le coup de grâce, selon vous ? demanda Coustot en glissant une Gitane papier maïs entre ses deux lippes.
    — Peut-être… Tout suicide reste un mystère, commissaire, soupira la secrétaire qui fuyait à présent le regard de ses interlocuteurs.
    Les deux policiers se regardèrent avant de siroter à petites gorgées leur Berger blanc dans lequel Mlle Combarieu avait pris soin de glisser un glaçon.
    C’est alors que Couderc se leva et, de la façon la plus courtoise qui soit, sollicita la maîtresse de feu Labatut :
    — Mademoiselle, puis-je vous demander d’avoir l’amabilité de m’indiquer où se trouve l’endroit le plus intime de cette belle maison ?
    — Mais je vous en prie, au fond du couloir, la dernière porte à gauche.
    — Merci beaucoup.
    Coustot et la secrétaire se trouvaient donc en tête à tête pour la première fois. Une gêne indicible semblait s’installer entre eux.
    — Je ne serais pas opposé à l’idée d’un second Berger… si ce n’est pas trop abuser, bien sûr !
    Un peu troublée, la demoiselle se ressaisit :
    — Mais… très certainement.
    En même temps que Mlle Combarieu blanchissait le verre de son hôte, Coustot prit une voix douce pour demander :
    — Pourquoi aviez-vous décidé de mettre un terme à votre relation avec René Labatut ?
    Décontenancée, la vieille fille fit déborder le verre destiné à étancher la soif de son visiteur.
    — Ce n’était plus possible. Il refusait de se séparer de cette mégère qui lui servait de femme. Je ne supportais plus de vivre cette relation dans la clandestinité la plus totale… Je voulais vivre notre histoire d’amour au grand jour.
    — D’autant que le secret était bien gardé jusqu’à ce jour où vous avez été surpris par… Paul Dupuy ?
    Le visage de Denise s’assombrit et ses yeux papillonnèrent comme si soudain elle était aveuglée par un jet d’acide.
    — D’où tenez-vous cela ?
    — Partez du principe, mademoiselle, que la police a été créée sous la Révolution française, article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « … pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
    La maîtresse de Labatut restait sans voix. Cette fille de notaire, autoritaire et sans grande fantaisie, toute pétrie de vieilles manières, était soudain anéantie.
    Seuls, en ce printemps précoce, les gais piaillements des oiseaux comblaient le silence qui s’était instauré entre la collaboratrice de Dorléac et le taiseux commissaire toulousain.
    Voilà près d’un quart d’heure à présent que Couderc avait rejoint ce que naguère on désignait sous le vocable hypocrite de cabinet d’aisances. Coustot n’avait rien vu du domicile de Mlle Combarieu, mais il en pressentait le décor : de vieilles armoires, des guéridons flanqués de napperons confectionnés au crochet, un coucou ramené de Suisse, une boule-de-neige à la gloire de Notre-Dame de Lourdes, une tapisserie au point de croix

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