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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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apprécier le silence sentencieux du policier.
    — Quel est son nom ? insista Séraphin.
    La réponse vint du commissaire Coustot :
    — Paul Dupuy. Quarante-huit ans, sans enfant, célibataire en effet. Et pour cause !
    Séraphin singea l’étonnement.
    — On lui prête des mœurs spéciales… ajouta Coustot qui sortit un paquet de Gitanes de sa poche, tapota dessus pour en extraire une cigarette qu’il tendit sans autre forme de politesse au conservateur parisien.
    — Merci, commissaire. Je ne fume pas, sauf occasionnellement le cigare ! Mais que voulez-vous dire par mœurs…
    — Plutôt du genre travelo ! répondit Coustot en grillant l’extrémité de sa Gitane avec un de ces nouveaux briquets inventés par la marque Bic.
    — Dans l’exercice de ses fonctions, il a toujours été irréprochable, crut bon de préciser Jean Dorléac.
    — Je n’en doute pas, cher ami. Mais avouez qu’il y a là deux faits troublants : une alarme désactivée, et des voleurs qui grimpent le long de la façade du palais sans être inquiétés le moins du monde à l’aide d’une échelle volée dans le cagibi du jardinier. La thèse d’une complicité interne n’est donc pas à exclure ! Qu’en pensez-vous, commissaire ? demanda Séraphin.
    — Je ne pense rien. Personne, ici, n’est au-dessus de tout soupçon, lâcha Coustot sur un ton désabusé.
    — Je ne suis pas sûr que nous ayons affaire à un gang très organisé, objecta Cantarel.
    — Je n’exclus rien, riposta l’enquêteur en postillonnant, juste pour éliminer les particules de tabac collées à sa lèvre inférieure.
    — Avez-vous interrogé le concierge, monsieur Labatut ? demanda Séraphin.
    — Justement, il porte bien son nom. Il est couché au fond de son lit avec une crise de goutte. Il m’a fait savoir par sa femme qu’il n’avait rien vu ni entendu d’anormal dans la nuit de samedi à dimanche, fit remarquer Jean Dorléac.
    — Je crains que cette explication ne satisfasse personne, persifla Séraphin qui s’était enfin résolu à poser sa serviette sur un banc en chêne massif.
    Coustot se retira du jeu sans rien dire, abandonnant les conservateurs à leur perplexité.
    Sur les murs des différentes salles d’exposition, Yvette Guilbert, la Goulue, Jane Avril affichaient leurs profils narquois, insensibles à la tension qui animait soudain le vieux musée.
    Au pinceau et à la poudre blanche, un policier tentait patiemment de relever les empreintes digitales déposées sur la rampe, celle-là même qui courait dans l’escalier donnant accès à la fenêtre par laquelle s’étaient évanouies les deux œuvres du jeune Lautrec. Sa quête semblait maigre, les indices rares.
    Muets, Cantarel et Dorléac assistaient médusés à ce travail de bénédictin.
    — Voulez-vous déposer votre cartable dans mon bureau ? proposa Dorléac. Il sera plus en sécurité.
    — Vous en conviendrez, c’est un mot qui ne signifie pas grand-chose ici, répliqua Cantarel d’humeur maussade.
    — Vous me voyez complètement navré de cette situation.
    — Allons donc dans votre bureau ! coupa net Séraphin qui n’entendait pas accabler davantage son collègue, conscient des quelques « négligences » à l’origine du « regrettable et inestimable préjudice ». L’expression était dans tous les journaux du matin.
    Une vaste pièce, au dernier étage du musée, avec vue sur le Tarn, abritait le « Bureau de M. le conservateur » comme l’indiquait une plaque en cuivre apposée sur la porte. Au milieu de cet espace qui sentait l’encaustique trônait une grande table en chêne sur laquelle rampait une tortue de bronze. Le bureau était très ordonné. Un sous-main et quelques chemises en toile noire occupaient la table de travail. D’une timbale en étain s’échappait un bouquet de crayons à papier et de stylos en nacre. Sur les étagères s’entassaient des montagnes d’ouvrages d’art, consacrés à la peinture essentiellement, mais aussi au jazz. M. Dorléac ne jurait que par Billie Holiday et Miles Davis.
    Sur un coin de table, la maquette d’un cabriolet Panhard, Dyna 57, d’un beau mauve lilas, attestait la passion de « M. le conservateur » pour les belles voitures.
    En d’autres circonstances, Séraphin Cantarel n’aurait pas manqué d’évoquer avec lui leur faiblesse coupable pour ces décapotables de rêve.
    Curieusement, aux murs, pas le moindre dessin du peintre des bordels

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