Toute l’histoire du monde
d’entre eux moururent d’épuisement sur les routes d’Anatolie – cruel génocide que la Turquie actuelle refuse toujours de reconnaître.
En 1917, il y eut, chez tous les belligérants, un fléchissement du moral.
La Russie tsariste n’y survécut pas. De fait, les Russes, dont l’indépendance n’était pas réellement menacée, ne comprenaient pas pourquoi ils se battaient. En février 1917, le tsar Nicolas II abdiqua et fut emprisonné. Le gouvernement de Kerenski, en proie à l’agitation ouvrière (les Allemands avaient permis à Lénine, exilé en Suisse, de traverser en train leur empire pour aller semer la subversion en Russie), signa la paix à Brest-Litovsk.
C’était une formidable victoire pour l’Allemagne. Elle put ainsi occuper les terres à blé d’Ukraine. Surtout, elle n’avait plus à se battre que sur un seul front.
Mais, heureusement pour les Alliés, les chefs allemands firent alors preuve de présomption. Ils n’hésitèrent pas, pour affamer l’Angleterre, à couler avec leurs sous-marins (arme nouvelle et technique où ils excellaient) les bateaux des États-Unis qui ravitaillaient la Grande-Bretagne. Le 4 avril 1917, le président Wilson déclara la guerre à l’Allemagne.
L’intervention américaine n’eut pas l’importance militaire qu’on dit. Les États-Unis n’avaient à l’époque qu’une petite armée et, s’ils réussirent à envoyer en France un million de soldats, ceux-ci furent équipés, armés et instruits par les Français, et n’intervinrent dans la bataille qu’en juillet 1918. Ils eurent, du reste, assez peu de morts. Mais cette intervention eut une importance psychologique capitale : elle compensait symboliquement la défection russe.
L’espoir, après une période de flottement, revint chez les Alliés. Il ne faut d’ailleurs pas exagérer, comme y pousse le conformisme antimilitariste actuel, l’importance des « mutineries » de 1917. Elles ne se produisirent qu’à l’arrière, aucun poilu ne quittant son poste dans les tranchées. Le général Pétain, avec un gros bon sens et très peu de répression (une cinquantaine d’exécutions), sut rétablir la confiance.
Le 16 novembre 1917, l’Assemblée nationale investit Georges Clemenceau, appelé par Poincaré (le président de la République, qui ne l’aimait pourtant pas). Mais le vieil homme (il avait soixante-dix-sept ans) sut galvaniser les énergies et devint une espèce de dictateur à la romaine. De mars à juillet 1918, les meilleurs généraux allemands, Hindenburg et Ludendorff, dégagés de tout souci à l’Est depuis l’effondrement de la Russie, eurent beau lancer des offensives furieuses – Clemenceau, qui avait poussé Foch au commandement en chef allié, ne se découragea pas. Les offensives prussiennes furent finalement brisées.
Dès lors, la partie était jouée. Les armées alliées repoussèrent, en octobre, les armées allemandes sur leur ligne de départ. Depuis Salonique, l’armée française d’Orient, commandée par Franchet d’Esperey, écrasant les Bulgares, menaça l’Autriche en remontant vers le nord. En Syrie, l’Anglais Allenby fit de même avec les Turcs. Les Italiens remportèrent leur première victoire à Vittorio Veneto. L’empire turc mit bas les armes le 30 octobre. L’empire autrichien en fit autant le 3 novembre.
Il ne restait plus au Kaiser qu’à s’enfuir en Hollande. Le 11 novembre 1918, le gouvernement allemand demanda l’armistice. Il fut accepté à des conditions draconiennes : l’Alsace-Lorraine était rendue à la France, l’armée allemande démobilisée, la flotte détruite et la Rhénanie occupée par les Français.
La France était donc victorieuse – avec ses alliés, certes, mais dominante. Cependant, le prix de cette victoire était très lourd.
Sur 8 millions de mobilisés, plus de 2 millions avaient été gravement touchés, dont 1 360 000 morts – presque un homme sur quatre, un homme jeune sur deux ! Aucun autre belligérant n’avait subi, en proportion de sa population, des pertes aussi lourdes. Il faut ajouter à cela que la guerre s’était déroulée, pour l’essentiel, sur le sol français. Jamais, dans l’histoire du monde, aucune cité, aucune patrie n’avait payé un tel prix pour sa survie ! Les paysans furent décimés. Quand on se promène dans les villages de France, on peut y lire sur les monuments aux morts des dizaines de noms : pas une famille n’y manque… La
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