Toute l’histoire du monde
nécessaire, malgré les balles obstinées qui sifflent… malgré l’affreux bruit qu’elles font lorsqu’elles frappent et s’enfoncent… Ils se diront : "Tout à l’heure, peut-être, ce sera moi. " – et ils auront peur dans toute leur chair. Ils auront peur, c’est certain, c’est fatal, mais, ayant peur, ils resteront. »
Appliquant le plan Schlieffen, la puissante armée allemande traversa la Belgique, prenant comme prévu les Français à revers, par surprise. Il faut comprendre qu’en ce temps-là on croyait encore à la valeur des traités.
Le général en chef français, Joffre, n’était pas génial. (D’ailleurs, il n’y eut pas de grands stratèges en 14-18, à l’exception peut-être de Gallieni, Foch et Ludendorff.) Mais, gros et placide, il ne perdit pas son sang-froid et ordonna la retraite générale. Entre le 4 août et le 6 septembre, pendant quatre semaines, les fantassins français reculèrent, épuisés, poursuivis par les Allemands exaltés par leur triomphe.
Les chefs allemands crurent qu’ils rejouaient 70. Ils commirent l’erreur de sous-estimer l’adversaire et passèrent sans précaution à l’est de Paris, fonçant vers le sud. L’armée allemande présentait alors le flanc au camp retranché parisien, que commandait le général Gallieni. Celui-ci suggéra à Joffre une contre-attaque de flanc. Joffre l’ordonna le 6 septembre. Les soldats français passèrent à l’offensive du 6 au 9 septembre (c’est de cette bataille que parle le jeune normalien Genevoix dans le texte cité plus haut). Les Allemands reculèrent. L’un de leurs chefs, le général von Kluck, sanctionné, déclara devant la commission d’enquête prussienne :
« Qu’avez-vous à me reprocher ? Nous sommes tous responsables de la défaite. Car, qu’après une retraite infernale, avec les effroyables souffrances endurées, il y eût au monde un seul soldat encore capable de se relever ou d’attaquer… et que ce soldat fut le soldat français, cela, on ne nous l’avait jamais appris dans aucune de nos académies de guerre ! »
Cependant, les Allemands ne quittèrent pas la France, où ils devaient rester quatre ans. Et ce fut l’horrible « guerre des tranchées ».
De février à décembre 1916, le général allemand Falkenhayn et le Kaiser espérèrent anéantir l’armée française à Verdun en l’écrasant sous le tir concentré de milliers de canons de gros calibre. Les « poilus » résistèrent.
Comme l’écrit le préfacier du livre de Genevoix, Jean-Jacques Becker :
« Ces normaliens qui se préparaient à partir en vacances… ces paysans arrachés aux travaux des champs, ces ouvriers, ces millions de simples gens aux destins si divers avaient un point commun. Un amour commun de leur patrie, la conviction que rien n’était supérieur à la sauvegarde de leur nation, même si, bien entendu, ce n’étaient pas des choses qu’ils disaient ordinairement. »
Cette mentalité nous est devenue si étrangère, à tort ou à raison, que nous avons du mal à comprendre les ressorts de la Grande Guerre.
La guerre se déroulait aussi hors de France (bien que la France en fut l’épicentre).
En Russie, Prussiens et tsaristes ne cessaient d’avancer et de reculer.
Les Autrichiens écrasèrent les Italiens à Caporetto (sauvés par un rapide secours français).
Les Anglais, qui avaient envoyé un million d’hommes sur la Somme, entraînèrent leurs alliés (Français et Australiens) à Gallipoli. Il s’agissait de saisir l’empire turc à la gorge. Le général Mustafa Kemal les rejeta à la mer. Les Occidentaux gardèrent cependant un pied dans les Balkans à Salonique (Thessalonique).
Après avoir dégagé le canal de Suez, la Grande-Bretagne eut l’idée de pousser les Arabes à se révolter contre les Turcs. Le colonel Lawrence (Lawrence d’Arabie) s’illustra dans cette action, dont il tirera un chef-d’œuvre de la littérature universelle : Les Sept Piliers de la Sagesse. Mais, en même temps qu’ils promettaient l’indépendance aux Arabes (de Syrie, de Jordanie et d’Irak), les Anglais, ayant un urgent besoin des banquiers qui épousaient les idées du mouvement sioniste, promettaient de créer en Palestine le « Foyer national juif » rêvé par Herzl : deux engagements contradictoires.
Pendant ce temps, le gouvernement ottoman déplaçait en masse les Arméniens, suspects d’amitié envers les Russes. Des dizaines de milliers
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