Toute l’histoire du monde
de l’étain, de l’ivoire, de la pourpre, des esclaves, mais aussi des modes. À noter que les Crétois ont inventé la corrida. Chez eux, les toreros étaient des femmes. Le symbolisme en est clair : le génie féminin y subjugue la force du mâle.
Mais ces commerçants raffinés seront, au premier millénaire avant notre ère, conquis et dominés par les deux peuples qu’ils avaient éduqués : les Grecs et les Phéniciens. Peut-être aussi souffrirent-ils beaucoup de la formidable éruption volcanique de l’île de Santorin.
Les Grecs occupaient la mer Égée, et les Phéniciens le Liban. Tyr était le grand port phénicien ; quant aux ports égéens, ils étaient innombrables. Ces deux peuples marins étaient en concurrence et n’appartenaient pas au même univers culturel. Les Grecs parlaient une langue européenne (« indo-européenne », disent les linguistes, parce que l’hindi est de la même famille), les Phéniciens une langue sémitique (dont est né l’arabe).
On doit aux Phéniciens – meilleurs commerçants que les Grecs parce qu’uniquement commerçants – une invention capitale : celle de l’alphabet.
Les écritures égyptienne ou chinoise étaient extrêmement malcommodes pour des commerçants : elles comptaient trop d’idéogrammes (des dizaines de milliers). Pour mieux gérer les affaires, les Phéniciens utilisèrent non plus ces milliers de petits dessins que leur offraient les hiéroglyphes, mais une vingtaine de signes abstraits, sans aucune signification propre. Le principe d’une écriture alphabétique était déjà très ancien, attesté dès le XIV e siècle avant Jésus-Christ par les textes d’Ougarit, mais il est certain que ce sont les Phéniciens qui en répandirent l’usage – propice au commerce, car les lettres assemblées peuvent servir à toutes les langues imaginables.
L’alphabet fut un extraordinaire progrès intellectuel. La lecture alphabétique demande plus d’efforts que la compréhension des dessins hiéroglyphiques. En effet, contrairement aux idéogrammes, les lettres ne représentent rien ; il est donc très difficile d’apprendre à lire.
Mais quand on sait lire, quel merveilleux instrument que la lecture ! Il faut déplorer qu’aujourd’hui on ait tendance à revenir aux images et à ne plus lire. Maintenant, sur un tableau de bord, il n’y a plus écrit « Appuyer », mais dessiné un logo.
Et pourtant le pouvoir réel appartiendra toujours, non pas à ceux qui regardent seulement des images, mais à ceux qui savent lire – malgré les ordinateurs. Or les Français, par exemple (il en va de même des Anglais et autres), lisent et écrivent beaucoup moins bien que leurs grands-parents, et surtout moins souvent.
À l’exception des Chinois et des Japonais, tous les peuples du monde ont aujourd’hui adopté l’alphabet -qu’il soit latin, cyrillique, grec, arabe, etc.
En Méditerranée, Phéniciens et Grecs ne vont pas se faire la guerre, mais se partager des zones d’influence.
Les uns comme les autres fondèrent des colonies. Pas au sens moderne du terme : il s’agissait pour eux de faire des fondations, d’essaimer comme les abeilles.
Dans une cité, quand la population devenait trop nombreuse, deux ou trois cents familles partaient sur d’autres rivages pour fonder une ville nouvelle, fille de la première mais indépendante. D’ailleurs, ils ne ressentaient pas cela comme un exil car, en Méditerranée, on retrouve partout les mêmes paysages, que ce soit au Liban ou sur la Côte d’Azur. Ils étaient d’autant moins dépaysés qu’ils apportaient avec eux leurs armes et leurs lois.
Les colonies grecques sont surtout situées sur la côte nord : mer Égée, bien sûr (c’est leur patrie d’origine), mais aussi mer Noire (la Crimée ressemble à la Grèce), Adriatique, Italie, sud de la France, moitié orientale de
la Sicile. « Nice », en grec, signifie « Victoire ». Marseille est également une fondation hellénique : quand les sportifs lisent dans L’Équipe l’expression « cité phocéenne » à propos de l’OM, cela rappelle que Marseille fut fondée par une ville de la mer Égée, en Asie Mineure, du nom de Phocée. « Naples » vient de Neapolis , « Ville neuve ». Syracuse fut en Sicile une brillante capitale de l’hellénisme.
Les Grecs ne s’installèrent sur la côte sud qu’en Cyrénaïque (comme en Crimée, il s’agit d’une chaîne de montagnes est-ouest barrant
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