Toute l’histoire du monde
nombreux : travailleurs immigrés en France, fonctionnaires métropolitains en Algérie, Algériens francisés. Car de nombreux Algériens musulmans furent d’actifs partisans de l’Algérie française. On cite les « harkis », mais ceux-ci n’étaient que des miliciens supplétifs ruraux, issus de régions archaïques (d’où les difficultés qu’ils rencontrèrent en métropole). Il y avait bien davantage de fonctionnaires, instituteurs, militaires et officiers indigènes « Algérie française ».
Cet aspect « guerre civile » explique, sans les excuser, les excès commis des deux côtés.
La torture fut pratiquée par les officiers de renseignement et les égorgements par les fellaghas, les deux adversaires voulant rallier (1’« action psychologique ») ou terroriser la population. Camouflés sous un discours plutôt laïc, emprunté aux Français, les gens du FLN utilisèrent aussi (ce qui n’est guère rappelé) le fanatisme religieux (musulman en l’occurrence). La France était vraiment « chez elle » en Algérie (contrairement à l’Amérique au Vietnam, à la Russie en Afghanistan), mais le FLN aussi. La lutte ne pouvait être que sauvage ! Elle coûta la vie à 30 000 soldats français et à 200 000 Algériens (et non pas « un million », chiffre mythique).
L’armée écrasa l’insurrection, militairement parlant. Elle reprit le contrôle des villes (bataille d’Alger en 1957), des frontières (les barrages électrifiés de la ligne Morice) et des djebels (les opérations « Jumelles » du général Challe).
Ce fut le grand mérite du général de Gaulle (sa « trahison », proclamaient les ultras) de comprendre que cela ne suffisait pas. L’Algérie de 1958 ne pouvait plus être assimilée comme la Savoie l’avait été (peut-être eût-ce été possible après la guerre de 14 ?).
Mais, comme le peuple métropolitain était massivement « Algérie française » (le nombre de déserteurs fut infime), le Général dut faire preuve de pédagogie avant de dévoiler le fond de sa pensée, ce qu’il fit en septembre 1959 avec son discours sur l’« autodétermination ». De Gaulle voulait aussi retirer l’armée française de cette guerre archaïque pour la transformer en une armée moderne, dotée d’une force de dissuasion nucléaire. La bombe A française fut d’ailleurs expérimentée au Sahara.
En 1960, le Général accorda l’indépendance à toutes les colonies d’Afrique noire : Sénégal, Mali, Guinée, Togo, Dahomey, Côte-d’Ivoire, Cameroun, Gabon, Congo, Centrafrique, Tchad, Madagascar. Certains territoires voulurent obstinément rester français : ce furent les départements et territoires d’outre-mer.
La France est aujourd’hui, avec les États-Unis (Porto Rico, Hawaii), la seule puissance à conserver des possessions coloniales (l’Angleterre a tout évacué, à l’exception de Gibraltar et des Malouines). On l’accusa de néocolonialisme. On compta dans les années 1960 plus de 100 000 « coopérants français ». Aujourd’hui, ils sont 2 000 ! Ces États soutinrent la France (et la langue française, l’ONU), et la France y garde des intérêts et des bases militaires (Dakar, Libreville, Abidjan, Ndjamena, Djibouti).
En 1960, le signal était quand même éclatant. Les « ultras » ne s’y trompèrent pas qui tentèrent de réitérer leur tactique habituelle de pression : l’émeute. De Gaulle n’était pas Guy Mollet. Les journées de barricades de l’année 1960 ne le firent pas plier. Voyant cela, pour la première fois dans l’histoire de France, une partie de l’armée, avec les généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller, entra en rébellion.
À Paris, jusqu’à l’Élysée, on trembla. C’est alors qu’apparut à la télévision le vieux chef et qu’on put entendre l’un de ses plus fameux discours :
« Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire… Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers partisans, ambitieux et fanatiques, au savoir-faire expéditif et limité… J’interdis à qui que ce soit de déférer à aucun de leurs ordres… »
Voilà comment pouvait parler à « son cher et vieux pays » le chef charismatique !
Évidemment, les appelés qui entendirent le discours sur leurs transistors firent grève. Les généraux factieux, sans troupe désormais, se
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