Toute l’histoire du monde
américaines ressembla à une véritable débâcle (vingt ans plus tôt, les Français étaient partis lentement, par échelons). Malgré leur courage, ce ne sont pas les Viets qui ont battu les Américains ; c’est l’opinion américaine qui s’est imposée à son gouvernement. La résistance vietnamienne avait rendu la guerre tellement impopulaire que le président ne pouvait continuer à la faire. Nous avons souvent noté l’importance du soutien de l’opinion. Le mouvement antiguerre du Vietnam fut puissant et multiforme. Quelque 50 000 GI avaient été tués, et les Viets avaient perdu 730 000 combattants.
Les Américains gardèrent longtemps de cette guerre du Vietnam un immense traumatisme : c’était le premier échec de l’armée américaine. Le Vietnam s’unifia alors sous un régime communiste. Aujourd’hui, les vétérans américains y font du tourisme nostalgique.
En Afghanistan, les Russes commirent exactement la même erreur, leur excuse étant que l’Afghanistan longe la frontière de l’URSS, la séparant de l’océan Indien.
L’Union soviétique envahit l’Afghanistan pour soutenir un gouvernement communiste à Kaboul. Mais, tels les Américains au Vietnam, les Russes furent perçus par la population comme une armée d’occupation. Les montagnes de l’Indoukouch remplaçaient la jungle. Les Afghans sont des guerriers, qu’ils soient pachtouns ou tadjiks. Le chef du Nord, le commandant Massoud, se fit un nom. Les diverses tribus étaient unifiées par l’islam.
Les communistes russes et chinois avaient soutenu les Nord-Vietnamiens ; la CIA soutint les musulmans, les forma, les arma contre les Soviétiques. L’armée russe (comme l’américaine au Vietnam) était une armée de conscription. L’opinion russe refusa de plus en plus nettement la guerre que ses dirigeants menaient en Afghanistan. On nous objectera : on comprend l’importance que revêt l’opinion aux États-Unis, pays démocratique ; mais quel rôle peut-elle jouer dans une dictature telle que l’URSS ? Nous répondrons à nouveau : tout pouvoir, même dictatorial, repose sur l’adhésion de l’opinion (à la seule exception de gouvernements fantoches soutenus par une armée d’occupation étrangère, comme ce fut le cas de Vichy avec les nazis et des « démocraties populaires » avec l’Armée rouge).
Aucune dictature russe (ni les tsars ni les Soviets) n’a pu faire taire, en Russie, les grand-mères. Les babouchkas sont sacrées. Elles détestèrent voir leurs petits-enfants revenir dans des sacs à cadavres. Le nouveau secrétaire général, Gorbatchev, ordonna l’évacuation de l’Afghanistan en 1988. Les Russes avaient eu 20 000 morts, les Afghans déplorèrent un million de victimes.
Ces deux guerres inverses, l’américaine anticommuniste et la russe procommuniste, furent les derniers sursauts de la guerre froide. Elles sont absolument comparables. Elles ont duré le même temps. Elles ont causé chez les envahisseurs comme chez les envahis le même nombre de morts. Elles se sont heurtées aux patriotismes locaux soutenus, les Vietnamiens par l’URSS, les Afghans par les États-Unis. Les Américains comme les Russes étaient absolument étrangers dans ces pays inconnus d’eux. Les Américains haïssent les jungles tropicales et les Russes, gens de la plaine, haïssent les montagnes. Les deux guerres ont été perdues non pas tant à cause de la valeur des ennemis, mais par suite de la farouche opposition à leur déroulement des opinions américaine et russe. Elles ont tourné au cauchemar pour les gouvernements envahisseurs et se terminées en quasi-débandades.
Il y a cependant entre elles une différence capitale. Les États-Unis ont été secoués par la guerre du Vietnam, mais non brisés. La société américaine se montra assez forte pour encaisser le coup et continuer à vivre. En revanche, l’URSS a été détruite par la guerre d’Afghanistan. Le régime n’y survécut pas. Ce ne fut pas la seule cause de son effondrement, nous le verrons, mais c’en fut la cause finale.
La décolonisation. La guerre d’Algérie
En 1945, les grands empires coloniaux européens tiennent encore la moitié de la planète. Ils ont joué, nous l’avons dit, un rôle important en appui de leur métropole : l’armée d’Afrique au profit de la France, l’armée des Indes à celui de la Grande-Bretagne (le Mahatma Gandhi ayant eu la sagesse de préférer, contrairement à certains
Weitere Kostenlose Bücher