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Toute l’histoire du monde

Titel: Toute l’histoire du monde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Barreau , Guillaume Bigot
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guère dans les arbres. Ensuite ils ont essayé de faire tomber du gibier dans des pièges, de grands trous qu’ils creusaient, ou des dénivelés naturels (la roche de Solutré). Faibles et nus, ils furent obligés de s’organiser, d’envoyer des éclaireurs pour rabattre le gibier (techniques qu’utiliseront ensuite dans leurs batailles, tous les grands capitaines). Pour transmettre les ordres au loin, il leur fallut employer des sons qui ne faisaient pas partie de leur héritage phonétique. Le langage était né. Ils avaient auparavant la capacité de parler, mais ils n’en usaient pas. Nos chimpanzés actuels ont la capacité du langage.
    Comme ils ne possèdent pas de cordes vocales, ils ne peuvent pas parler, mais des chercheurs ont réussi à leur apprendre le langage des sourds-muets.
    Ainsi, quelque part en Afrique orientale, il y a deux ou trois cent mille ans, un ou plusieurs groupes de primates inventèrent-ils le langage.
    Et tout de suite leur univers changea.
    L’invention du langage fut probablement utilitaire : il s’agissait de transmettre des ordres vocaux non prévus par le code génétique et destinés à l’exécution d’actes de chasse précis.
    Mais en même temps le langage a fait naître une névrose : celle de l’avenir.
    Les animaux n’ont aucune idée de l’avenir. Ils ont la mémoire du passé, mais aucune inquiétude pour le futur. Lorsqu’il a suffisamment de nourriture et d’affection, l’animal est parfaitement heureux dans un éternel présent. Il n’imagine pas qu’il puisse mourir. Il n’est pas angoissé et ne se cache que s’il se sent menacé hic et nunc , « ici et maintenant », par les prédateurs, la famine ou la maladie.
    Après l’invention du langage symbolique, les primates qui marchaient debout se sont transformés en hommes angoissés ; la névrose humaine est originelle.
    Le soir, en évoquant ensemble la chasse de la journée, ils purent prendre conscience qu’un des chasseurs avait disparu : le lion l’avait tué, il était mort.
    En imaginant par des paroles la chasse du lendemain, ils comprirent qu’ils risquaient de mourir. Il y avait aussi la maladie, la vieillesse. Des horizons métaphysiques infinis et angoissants s’ouvrirent d’un coup à ces « animaux dénaturés » (selon le titre d’un beau livre de Vercors).
    Qu’est-ce que l’homme ? Un être qui sait qu’il va mourir et qui a besoin de se raconter des histoires. Se raconter des histoires pour supporter cette idée insupportable de la finitude, pour conjurer la nécessité inéluctable de la mort.
    Se raconter des histoires pour se rapprocher de ses semblables, se réchauffer de leurs paroles, former avec eux une humanité.
    Capable de prévoir l’avenir, de l’organiser, le primate humain échappe du même coup à la loi génétique. Il va pouvoir faire des choses que les animaux ne font pas -pour le meilleur et pour le pire.
    Pour le pire : les animaux, même les mammifères les plus évolués, ne sont ni bons ni méchants, car ils font ce que leur « programme génétique » leur prescrit. Il y a bien des combats de chefs pour établir la hiérarchie, mais ils ne se terminent qu’accidentellement par la mort, un geste de soumission suffisant à apaiser le vainqueur.
    Il n’y a pas de meurtre chez les animaux : le loup qui mange l’agneau ne commet pas un assassinat, le loup n’est pas un loup pour le loup.
    Au contraire, dans le souvenir originel de toutes les religions, nous affirme René Girard dans son livre Des choses cachées depuis le commencement du monde , il y a le meurtre, le « péché originel », le meurtre du Frère (Caïn), celui du Père (Œdipe). L’homme peut transgresser la loi génétique et assassiner son frère. « L’homme est un loup pour l’homme », constate le proverbe latin.
    Le viol est, de même, quasi inconnu des mammifères. Un très beau documentaire de Frédéric Rossif, La Fête sauvage , sur la course du lion nous montre la lionne en chaleur aguichant le mâle, faisant mine de céder, repartant, et ne se livrant, après des jours, que lorsque tel est son bon plaisir. Les instincts génétiques – hiérarchie, territoire, sexualité – sont puissants chez l’être humain. Beaucoup de rivalités de bureau font irrésistiblement songer à des combats de mâles. Les rêveurs qui nient le patriotisme oublient que l’homme est un animal territorial ; et si la sexualité humaine peut se sublimer en amour, elle

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