Toute l’histoire du monde
comme celle de l’oncle en Russie ; elle eut lieu au Mexique. Les États-Unis étaient devenus un État puissant, aussi peuplé que la France (32 millions d’habitants). En 1848, ils avaient fait la guerre au Mexique indépendant afin de pouvoir annexer la Californie, l’Arizona et le Texas. Exploitant le ressentiment anti-yankee des Mexicains, Napoléon III voulut créer au Mexique un empire sous influence française, qui ferait pièce à l’avancée anglo-saxonne.
Un parent de l’empereur d’Autriche, Maximilien, fut installé par l’armée française de Bazaine sur le trône de Mexico. Mais, si les Mexicains n’aimaient pas les Yankees, ils apprécièrent encore moins d’être envahis par les Français. Impuissante à maîtriser les guérillas, celle-ci, au bout de quelques années, dut rembarquer, laissant derrière elle le pauvre Maximilien, qui fut fusillé.
Cette aventure sera oubliée par les Mexicains, mais elle est probablement à l’origine de la méfiance des États-Unis envers la France – la seule armée européenne venue s’établir à leurs portes étant française ! Pour ne rien arranger, Napoléon III avait soutenu les sudistes.
Il n’est pas idiot de s’opposer à l’hégémonie américaine, mais il était idiot de le faire si loin de l’Europe, sur les rives du Rio Grande.
Pendant que les Français s’enlisaient au Mexique, une hégémonie autrement menaçante se construisait outre-Rhin.
L’aveuglement dont fit preuve Napoléon III envers la menace allemande est surprenant. Le « principe des nationalités » le gênait probablement – lui, l’artisan de l’unité italienne – pour s’opposer à l’unité allemande. De plus, l’Autriche, depuis des siècles, et sous son oncle encore, avait été sur le continent le principal ennemi de la France. Mais, précisément, elle ne l’était plus. Napoléon III avait su se rapprocher de l’Angleterre contre la Russie. Il ne sut pas se rapprocher de l’Autriche contre la Prusse. Vieil empire multiethnique et fragile, Vienne ne présentait plus, une fois l’unité italienne réalisée, de danger pour Paris.
La Prusse, au contraire, constituait une terrible menace.
En 1862, le roi de Prusse, Guillaume I er , avait pris comme chancelier un homme de fer : Bismarck (1815-1898). Ce Prussien, d’une famille de junkers, voulait passionnément réaliser l’unité allemande autour de la Prusse. C’était en quelque sorte un Garibaldi germanique. Mais, autant Garibaldi était romantique, autant Bismarck était cynique et froid. Aucun scrupule ne le retenait – investi, en quelque manière, par la confiance de son roi d’une sorte de dictature.
De plus, comme l’Angleterre et la France, l’Allemagne de l’époque devenait une grande puissance industrielle, ainsi qu’une énorme force militaire – la seule d’Europe, finalement. La Grande-Bretagne se reposait sur sa flotte. L’armée française, bonne petite armée de métier, était mal commandée, peu moderne et engagée surtout dans des aventures outre-mer (Algérie, Mexique). La guerre d’Italie de 1859 fut l’exception. L’armée prussienne était au contraire (idée reprise de la Révolution, mais abandonnée par le Second Empire) une armée de conscription, nationaliste, bien équipée en artillerie moderne (les fameux canons Krupp).
Pour Bismarck, le premier obstacle à écarter était l’Autriche. Depuis longtemps, Vienne et Berlin se disputaient le gouvernement des Allemagnes. On peut d’ailleurs remarquer que Vienne avait apporté au monde germanique beaucoup d’éclat et de paix (Mozart, etc.), alors que Berlin lui attirera guerre et malheur.
Pour faire l’unité allemande autour de Berlin, il fallait abattre Vienne. Ce que fit Bismarck. À Sadowa, le 3 juillet 1866, les Prussiens conduits par le roi Guillaume et le général Moltke écrasèrent facilement l’antique armée Habsbourg (transformant, jusqu’en 1918, l’Autriche en vassale).
Il en eût été autrement si l’armée française s’était montrée sur le Rhin. Dédaignant la France, Bismarck avait concentré ses forces contre les Autrichiens. Une intervention française à ce moment eût été décisive. Napoléon III préféra ne rien faire, réclamant au passage quelques compensations (par exemple, l’annexion de Luxembourg) que Bismarck appela dédaigneusement des « pourboires » – pourboires que, d’ailleurs, il refusa. Dès lors, la partie était jouée.
Le dernier
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