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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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assez serrée pour que l’on ne pût rien distinguer de ses traits.
    — Bonjour ! fit-elle en agitant doucement son éventail. C’est aimable à toi d’avoir accompagné mon amie.
    Elle avait, elle aussi, l’accent hongrois. Mais sa voix était pleine de douceur et d’amabilité. Et tout d’abord, Fritz ne trouva rien à répondre. Sans qu’il pût savoir pourquoi, cette inconnue l’impressionnait infiniment plus que sa compagne et réveillait sa timidité.
    Une Hongroise, elle aussi, pensa-t-il. Mais sûrement une grande dame…
    On peut être un jeune provincial, mais quand on appartient à un certain milieu, il y a comme cela des lignes qui ne trompent pas. Beaucoup plus grande que le domino rouge, la dame hongroise avait une allure, un port de tête tout à fait remarquables. Les cheveux flamboyants que l’on pouvait voir sous le Capuchon devaient être une perruque, mais les yeux qui étincelaient par les trous du masque avaient une expression devant laquelle le nouveau fonctionnaire te sentait très petit garçon et très gauche. La dame se mit à rire :
    — Tu n’es pas très bavard, il me semble ! Voudrais-tu m’offrir ton bras afin que nous allions nous promener dans cette foule ? Je crois que cela m’amuserait, mais seule, je n’ose pas.
    — Je serai très heureux de vous offrir mon bras, Madame ! murmura-t-il, sans parvenir à employer le tutoiement rituel du bal.
    Quelque chose lui soufflait qu’avec cette femme-là, c’eût été déplacé. Mais il aurait été bien incapable de dire pourquoi. Il s’inclina légèrement.
    Une main longue, fine, gantée de dentelle noire se posa sur sa manche. Un parfum très doux l’enveloppa quand la soie du domino le frôla. Fritz eut envie, tout à coup, d’être brillant, gai, étincelant, de séduire, d’étonner, cette inconnue dont il devinait la beauté.
    Elle bavardait à présent avec une sorte d’abandon et il se surprenait à lui répondre facilement. Mais, à sa grande surprise, il s’aperçut bientôt qu’elle n’abordait aucune de ces futilités que l’on échange au bal. Elle le questionnait, demandait ses impressions sur Vienne, ce qu’il y faisait, ce qu’il entendait dire autour de lui. Elle l’interrogea aussi sur la famille impériale. Que pensait-il de l’empereur François-Joseph ? Approuvait-il sa politique ? Et l’impératrice ? L’avait-il déjà rencontrée ?
    Fritz répondait de son mieux à toutes ces questions, un peu désorienté tout de même. Qui pouvait être cette femme ? Soudain, une idée folle lui traversa l’esprit : Si c’était l’impératrice elle-même ?
    Il s’entendit répondre, tandis que son regard essayait de percer la dentelle :
    — L’impératrice ? Je la connais de vue, évidemment, pour l’avoir aperçue à cheval au Prater. C’est ; une femme d’une beauté merveilleuse, c’est tout ce que j’en puis dire. Le public lui reproche de trop peu se montrer, de trop s’occuper de chiens et de chevaux. Mais il a certainement tort. Je sais d’ailleurs que cet amour des chiens et des chevaux tient de famille. Le duc Max, son père, aurait dit un jour : « Si nous n’étions princes, nous serions devenus écuyers… »
    Le domino jaune se mit à rire. Mais l’impression bizarre de Fritz ne se dissipait pas. Et comme l’inconnue lui demandait, à brûle-pourpoint :
    — Quel âge me donnes-tu ?
    Il répondit sans hésiter une seconde :
    — Trente-six ans !
    C’était l’âge exact de l’impératrice Élisabeth. L’effet fut étonnant. Fritz sentit frémir la main de sa compagne, qui, d’ailleurs s’écarta aussitôt :
    — Tu n’es guère poli ! fit-elle d’un ton agacé, puis elle ajouta presque aussitôt, après un silence :
    — Tu peux t’en aller à présent ! Brusquement, la timidité de Fritz s’envola.
    — Trop aimable ! fit-il avec ironie… Puis empruntant pour la première fois le tutoiement du bal :
    — D’abord, tu me fais monter près de toi, tu me questionnes et puis tu me renvoies ? Soit, je m’en vais, si tu es lasse de moi, mais qu’il me soit permis tout de même de te serrer la main avant de partir.
    La dame hésita un instant, n’en fit rien, puis à nouveau, se mit à rire.
    — Non. Tu as raison. Continuons notre promenade.
    Cela dura deux heures, deux heures durant lesquelles le jeune provincial ébloui écouta l’inconnue lui parler d’une foule de choses. Elle avait découvert rapidement qu’il

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