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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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contemplait un portrait de François-Joseph accroché au mur en face d’elle comme si sa vie en dépendait.
    Elle ne put garder longtemps cette attitude détachée. Trouvant qu’elle ne s’occupait plus assez de lui, le shah prit une coupe de champagne et, se tournant vers elle, suggéra :
    — Trinquons !
    Force fut à la malheureuse, au bord des larmes, de prendre une coupe et de rendre raison à cet encombrant voisin qui s’obstinait à la contempler avec des yeux énamourés. S’obligeant à bien remplir ses devoirs de maîtresse de maison, elle constata, pour le regretter, que son hôte n’avait pas mangé grand-chose.
    — Cette cuisine ne m’inspire pas confiance ! lui confia aimablement le Persan.
    Mais comme, à cet instant, s’approchait un laquais portant une grande coupe d’argent remplie de fraises, il saisit la coupe, la plaça devant lui avec un parfait sang-froid, et attaqua gaillardement le dessert de la table impériale dont il ne laissa pas la plus petite bribe.
    — Ça, j’aime ! conclut avec un bon sourire l’exotique majesté.
    Et la fin de la soirée fut charmante. D’ailleurs, en dépit – ou peut-être à cause – de ses excentricités, Nasir-Al-Din intéressait Élisabeth. Elle le trouvait original. Surtout, elle approuva sa liberté et son indépendance quand elle constata qu’il lui était impossible de se montrer aimable avec qui lui déplaisait.
    Ainsi quand, à l’issue d’une cérémonie, il offrit son portrait entouré de diamants à l’Empereur, tout le monde fut enchanté, mais les mines autrichiennes s’allongèrent quand le shah offrit un autre portrait, identique, au comte Andrassy qui était sans doute le meilleur ami de l’impératrice.
    On lui fit comprendre alors, discrètement, qu’il était d’usage de distinguer d’abord les frères de l’empereur.
    — Non, je ne veux pas, répondit-il tranquillement. Je ne donne mon portrait qu’à ceux qui me plaisent.
    Et il fut impossible de l’en faire démordre… ce qui plongea Élisabeth dans une douce joie. Du coup, Nasir-Al-Din lui devint immensément sympathique, et elle se fit un devoir d’aller visiter les chevaux favoris du shah, qu’il emmenait toujours avec lui et qui logeaient, comme lui-même, au château de Laxenbourg. Sa passion des chevaux et l’espèce d’amitié que lui inspirait son adorateur lui faisaient une joie de cette visite, mais elle pensa tomber de son haut en constatant que les trois plus belles bêtes, celles que Nasir-Al-Din honorait d’une tendresse particulière, arboraient fièrement des queues et des crinières teintes en rose.
    — J’aime les chevaux et j’aime le rose ! décréta Sa Majesté, d’un ton si fervent qu’il n’y avait vraiment rien à ajouter à cela, d’autant que le munificent monarque couvrit son invitée de cadeaux fastueux.
    Malheureusement, si Élisabeth et même François-Joseph s’amusaient beaucoup grâce à leur hôte, il n’en allait pas de même du reste de la cour, et singulièrement de l’élément le plus âgé, qui trouvait le shah impossible.
    Ainsi du comte Crenneville, ancien aide de camp de l’empereur devenu son premier gentilhomme de la chambre. C’était un homme déjà âgé, austère et plein de morgue, qui accepta comme son dû la charge de s’occuper personnellement de l’invité persan.
    Hélas, le pauvre homme crut mourir d’apoplexie quand, devant accompagner Nasir-Al-Din dans une promenade au Prater en voiture découverte, il se vit offrir, au lieu de la place qu’il escomptait auprès du souverain, celle qui se trouvait libre auprès du cocher sur le siège de la voiture. Puis, comme le soleil, très ardent, incommodait Sa Majesté, on lui tendit, avec un bon sourire, une grande ombrelle blanche qu’il fut poliment prié d’ouvrir et de tenir au-dessus de l’auguste tête.
    Inutile de préciser qu’à peine rentré au palais, Crenneville se fit porter malade, refusant de passer une heure de plus auprès d’un tel hurluberlu.
    Ainsi, également, des vieilles dames qui avaient composé la cour de l’archiduchesse Sophie. Le 12 août, à Schönbrunn, après la grande fête et le feu d’artifice, lorsque la comtesse Göess, première dame d’honneur, voulut, à l’heure du thé, lui présenter ces vénérables dames, le shah regarda la première lui faire sa révérence. Puis, considérant avec horreur la file qui attendait, il revint à la comtesse et, avec une grimace des plus

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