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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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très vite, grisée peut-être, à son corps défendant, par ce parfum d’amour et d’aventures qui lui restait du bal.
    « Il est minuit passée ma montre. Rêves-tu de moi en ce moment, ou envoies-tu dans la nuit des chants nostalgiques ?… »
    Ida ne vivait plus, car elle sentait que la souveraine prenait plaisir à oublier la distance qui la séparait de ce petit fonctionnaire. Fritz, pour sa part, se laissait emporter par des rêves insensés, car il était à peu près sûr de l’identité de son inconnue. En outre, rencontrant un jour l’impératrice à une exposition florale au Prater, il constata avec un battement de cœur accéléré qu’elle répondait à son salut avec une amitié plus marquée que pour les autres. Alors, rentré chez lui, il osa écrire au Domino Jaune.
    « Vous ne vous appelez pas Gabrielle, n’est-ce pas, ni Frédérique ? N’est-ce pas plutôt Élisabeth ? »
    Cette lettre, Élisabeth la froissa avec colère. Ce jeune imbécile gâchait tout, et maintenant, il fallait cesser le jeu amusant et dangereux avant qu’il ne soit trop tard, ne débouchât sur un scandale ou que Fritz fît des bêtises.
    Elle cessa tout à fait d’écrire, partit pour l’Angleterre, oublia sa fantaisie, sans penser un seul instant au chagrin qu’elle allait causer.
    Le jeune homme fut en effet très malheureux. Au bal du Mardi gras suivant, il retourna à l’Opéra sans y rencontrer son Domino Jaune. Il y retourna même plusieurs années de suite, mais jamais ne reparut « l’étincelant mirage ».
    Dix ans passèrent, plus instable et plus capricieuse que jamais, ne séjournait plus que rarement à Vienne. Elle cherchait à fuir un destin qui ’accablait, et peut-être à se fuir elle-même.
    Un soir de 1886, elle se reprit à penser à ce charmant Fritz alors qu’elle venait d’écrire un poème, comme cela lui arrivait souvent. Celui-là était écrit en anglais et elle décida de l’appeler « le chant du Domino Jaune ». Il commençait par ces mots « Long, long ago… »
    La fantaisie lui prit l’envoyer à Fritz comme ne résistait jamais à impulsions écrivit à l’ancienne adresse. La réponse arriva presque aussitôt.
     
    « Que s’est-il passé depuis ces onze ans ? Tu resplendis sans doute encore de ta fière beauté d’autrefois. Quant à moi, je suis devenu un époux respectable et chauve, pourvu d’une adorable petite fille. Tu peux, si tu le juges convenable, déposer sans crainte ton domino et éclaircir enfin cette énigmatique aventure, la plus troublante de celles que j’ai vécues… »
     
    Sa lettre était pleine de gentillesse, malheureusement celle qu’il reçut par la suite était teintée d’une pénible moquerie. On lui demandait de faire photographier son « crâne paternel ». Blessé, il répondit une dernière fois : « Je regrette infiniment qu’après onze ans, tu juges encore utile de jouer à cache-cache avec moi. Se démasquer après si longtemps eût été un jeu charmant et mis une bonne fin à l'aventure du Mardi gras 1874. Mais une correspondance anonyme après si longtemps manque de charme. Ta première lettre m’a fait plaisir, la dernière m’a vexé, ta méfiance irrite celui qui ne la mérite pas. Adieu, et mille excuses… »
    Cette fois, c’était bien fini. Le jeu du Domino Jaune avait pris fin. Il n’en resterait plus dans les papiers d’un monsieur vieillissant qu’un petit paquet de lettres pieusement conservées et auxquelles parfois il donnait un regard… et un regret !

 « Sissi » et Katharina Schratt
    Par un bel après-midi de l’été 1884, un équipage, dont la discrétion n’excluait pas une irréprochable élégance, s’arrêta dans le jardin d’une villa au jardin fleuri descendant jusqu’aux eaux bleues du lac de Saint-Wolfgang, dans le Tyrol autrichien. Une femme grande et mince, abritant sous une voilette et un chapeau à larges bords une beauté toujours éclatante, en descendit, faisant signe à une autre femme qui s’y tenait avec elle de demeurer.
    Un instant plus tard, l’occupante de la villa, célèbre et charmante comédienne viennoise nommée Katharina Schratt, vit pénétrer dans son salon la dame de la voiture, dont la vue la suffoqua tellement qu’elle dut faire appel à toute sa présence d’esprit pour ne pas oublier sa révérence.
    — Madame ! balbutia-t-elle. Je ne sais comment… Que Votre Majesté me pardonne, mais la voir apparaître tout à coup ici,

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