Tragédies Impériales
raisons aussi stupides que les tiennes.
Furieux, navré car il ne pouvait oublier son grand amour, Maxl s’en alla conter ses malheurs à Sissi. Une profonde amitié l’unissait à sa petite belle-sœur. Tous deux avaient la même passion du cheval et faisaient ensemble de longs temps de galop qui entretenaient la colère latente au cœur de Sophie : Sissi attendait un enfant et se conduisait comme une folle.
— Tant que tu n’es pas marié, lui dit Sissi en manière de consolation, il ne faut pas désespérer. On ne sait jamais ce qui peut se passer.
La jeune impératrice ne croyait pas si bien dire. Comme l’on menait grand train les préparatifs du mariage, une nouvelle inattendue arriva à la Hofburg : la princesse de Bragance était morte subitement et l’on dut remiser les vêtements de fête pour prendre ceux de deuil. Maxl, bien entendu, prit la mine que la circonstance imposait mais poussa intérieurement un profond soupir de soulagement. On allait le laisser tranquille. Et il reprit de plus belle ses chevauchées avec Sissi.
Trouvant alors qu’il commençait à sentir un peu trop l’écurie, l’archiduchesse convoqua Bombelles une fois de plus. Avait-il une idée ?
Des idées, quand il s’agissait de protocole, Bombelles en avait toujours. Pourquoi ne pas renvoyer Maxl par les chemins ? Mais, cette fois, il pourrait parcourir les cours d’Europe afin de se former un jugement sur les différentes formes de gouvernement… et de jeter un coup d’oeil en passant sur les princesses à marier.
Une fois de plus, l’archiduchesse exulta, déclara que sans Bombelles elle ne savait vraiment pas comment elle se tirerait de ses soucis. Bombelles remercia, salua, puis rentra chez lui et se coucha. Il ne tarda pas à mourir, épuisé sans doute par tant d’idées brillantes. Et Maxl, une fois de plus, fit ses bagages.
Désireux d’éviter le danger le plus possible, ou tout au moins de le reculer, l’archiduc commença son voyage par l’Espagne. Là, pas de princesses à marier, rien à craindre. La reine Isabelle II attendait son premier enfant et l’accueillit cordialement. Il visita l’Escurial, Séville et Grenade, vit des courses de taureaux et se déclara enchanté. Puis il passa en France, où il arriva le 17 mai 1856.
Cette visite-là ne présentait pas plus de dangers que la première. Il y avait à peine trois ans que Napoléon III avait épousé la belle comtesse de Teba, Eugénie de Montijo, et le prince autrichien put se mêler sans contrainte à l’agréable vie parisienne sans craindre de voir l’ombre redoutable d’une princesse se profiler à l’horizon.
En Angleterre, pas davantage de pièges à redouter. La reine Victoria, mariée depuis seize ans au prince Albert de Saxe-Cobourg, avait bien des filles, mais l’aînée était déjà promise et les autres beaucoup trop jeunes. En outre, l’archiduc ne pouvait épouser qu’une princesse catholique. Maximilien alla aux courses, visita des écoles militaires, joua au cricket et au volant sur les pelouses de Windsor décrivant, ainsi qu’il en avait pris l’habitude depuis le début de ses voyages, toutes ses impressions dans les nombreuses lettres qu’il adressait à sa famille.
Mais il n’est si bonne compagnie qui ne se quitte et, délaissant l’Angleterre, l’archiduc traversa la mer et passa en Belgique…
Depuis la révolution de 1830, qui avait séparé les Pays-Bas catholiques des Pays-Bas protestants, créant la Belgique, distincte de la Hollande, le nouveau pays avait un roi à lui. Il s’agissait du roi Léopold I er , de la maison de Saxe-Cobourg à laquelle appartenait aussi le prince Albert, mari de Victoria. C’était un homme austère, intègre et industrieux, qui menait son pays de main de maître. Veuf une première fois d’une princesse anglaise, il avait ensuite épousé la princesse Louise d’Orléans, fille aînée du roi Louis-Philippe et avait eu la douleur de la perdre en 1850. Mais il avait des enfants, et surtout une fille de seize ans, une brune et fort jolie princesse. Fort sentimentale aussi et que la visite de l’archiduc autrichien mit en émoi.
En mai 1856, Maximilien, ignorant que sa venue soulevait une tempête au fond d’un cœur de jeune fille, faisait son entrée à Bruxelles et intéressait si fort Charlotte qu’elle ne cessa plus guère d’en parler.
— Comme il est grand ! et comme il est beau !… Ces yeux bleus, si doux, cet air romantique… et
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