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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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habitants ne reconnaîtraient nulles lois et ne vivraient sous aucuns règlements. J'affirme ceci, parce que ceux qui veulent nous persuader que ceux qui sont nés sous un gouvernement y sont naturellement sujets, et n'ont plus de droit et de prétention à la liberté de l'état de nature, ne produisent d'autre raison, si l'on excepte celles qu'ils tirent du pouvoir paternel, à laquelle nous avons déjà répon­du; ne produisent, dis-je, d'autre raison que celle-ci, savoir que nos pères ayant renon­cé à leur liberté naturelle, et s'étant soumis à un gouvernement, se sont mis et ont mis leurs descendants dans l'obligation d'être perpétuellement sujets à ce gouvernement-là. J'avoue qu'un homme est obligé d'exécuter et accomplir les promesses qu'il a faites pour soi, et de se conduire conformément aux engagements dans lesquels il est entré; mais il ne peut, par aucune convention, lier ses enfants ou sa postérité. Car un fils, lorsqu'il est majeur, étant aussi libre que son père ait jamais été, aucun acte du père ne peut plus ravir au fils la liberté, qu'aucun acte d'aucun autre homme peut faire. Un père peut, à la vérité, attacher certaines conditions aux terres dont il jouit, en qualité de sujet d'une communauté, et obliger son fils à être membre de cette communauté, s'il veut jouir, comme lui, des possessions de ses pères; la raison de cela est que les biens qu'un père possède, étant ses biens propres, il en peut disposer comme il lui plait.
     
    117. Or, cela a donné occasion de tomber généralement dans l'erreur sur cette matière. Car les communautés ne permettant point qu'aucune de leurs terres soient démembrées, et voulant qu'elles ne soient toutes possédées que par ceux qui sont de la communauté, un fils ne peut d'ordinaire jouir des possessions de son père, que sous les mêmes conditions, sous lesquelles son père en a joui, c'est-à-dire, qu'en devenant membre de la même société, et se soumettant par conséquent au gouvernement qui y est établi tout de même que tout autre sujet de cette société-là. Ainsi, le consentement d'hommes libres, nés dans une société, lequel seul est capable de les en faire mem­bres, étant donné séparément par chacun à son tour, selon qu'il vient en âge, et non par une multitude de personnes assemblées, le peuple n'y prend point garde, et pen­sant ou que cette sorte de consentement ne se donne point, ou que ce consentement n'est point nécessaire, il conclut que tous sont naturellement sujets, en tant qu'hom­mes.
     
    118. Il est manifeste que les Gouvernements eux-mêmes conçoivent et consi­dèrent la chose autrement. Ils ne prétendent point avoir de pouvoir sur le fils, parce qu'ils en ont sur le père; et ils ne regardent point les enfants comme leurs sujets, sur ce fondement que leurs pères le sont. Si un sujet d'Angleterre a, en France, un enfant d'une femme anglaise, de qui sera sujet cet enfant? Non du Roi d'Angleterre, car auparavant il faut qu'il obtienne la permission d'avoir part à ce privilège; non du Roi de France, car alors son père a la liberté de l'emporter en un autre pays et de l'élever comme il lui plaît. Et qui, je vous prie, a jamais été regardé comme un traître ou un déserteur, pour avoir pris naissance dans un pays, de parents qui y étaient étrangers, et avoir vécu dans un autre? Il est donc clair, par la pratique des gouvernements mêmes, aussi bien que par les lois de la droite raison, qu'un enfant ne naît sujet d'aucun pays, ni d'aucun gouvernement. Il demeure sous la tutelle et l'autorité de son père, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à l'âge de discrétion ; alors, il est homme libre, il est dans la liberté de choisir le gouvernement sous lequel il trouve bon de vivre, et de s'unir au corps politique qui lui plaît le plus. En effet, si le fils d'un Anglais, né en France, est dans cette liberté-là, et peut en user de la sorte, il est évident que de ce que son père est sujet de ce Royaume, il ne s'ensuit point qu'il soit obligé de l'être. Si le père même a des engagements à cet égard, ce n'est point à cause de quelque traité qu'aient fait ses ancêtres. Pourquoi donc son fils, par la même raison, n'aura-t-il pas la même liberté que lui, quand même il serait en quelque autre lieu que ce fût; puisque le pouvoir qu'un père a naturellement sur son enfant est le même partout, en quelque lieu qu'il naisse, et que les liens des obligations naturelles ne sont

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