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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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déboutonner vestes et chemises, des femmes se penchèrent pour défaire les lacets de leurs souliers. Mais tout cela se passait trop lentement au gré des S.S.
    Je remarquai dans un angle de la cour une jeune mère avec son enfant. Elle serrait convulsivement la bouche et caressait sa petite fille en la déshabillant lentement. D’autres enfants, aussi troublés que leurs parents, les imitaient en se dépouillant de leurs vêtements.
    Pendant ce temps, les représentants de la hiérarchie S.S. se tenaient sur le terre-plein aménagé sur le toit du crématoire. De là, ils surveillaient le déroulement des opérations. Ils n’intervenaient pas directement, laissant ce soin à leurs subordonnés. Le trouble et le malaise de tous ces gens augmentaient, la crainte d’un danger imminent se précisant ils se déshabillaient de plus en plus lentement pour gagner du temps. Je sus qu’ils venaient du ghetto de Sosnovitz, à quelques kilomètres de là. Ils avaient certainement entendu parler du camp d’Auschwitz. Ils avaient peut-être pensé que tout ce que l’on chuchotait à ce sujet n’était pas fondé ou était très exagéré. Le comportement brutal des S.S. dépassait certainement leurs pires appréhensions. Les hommes sentant instinctivement qu’ils couraient maintenant un danger imminent commencèrent à exprimer leurs craintes. Une rumeur, comparable à celle d’un essaim d’abeilles, envahit la cour. Lorsque les S.S. eurent compris que leur manœuvre destinée à donner le change avait échoué, ils changèrent de méthode : ils foncèrent dans la foule, frappant aveuglément à tour de bras avec leur trique et hurlant : « Déshabillez-vous tout de suite, en vitesse ! » Le résultat ne se fit pas attendre. Les gens parurent sortir d’un profond sommeil. Les hommes, qui jusque-là n’avaient fait que déboutonner lentement leur chemise ou entrouvrir leur col ou délacer leurs chaussures, se débarrassèrent hâtivement de leurs vêtements, y compris leurs souliers et leur caleçon. De nombreuses femmes couraient désemparées de droite et de gauche, pour chercher protection auprès de leur mari ; les enfants effrayés se cramponnaient à leur mère. Les brimades avaient rendu ces pauvres gens à moitié fous. Comment auraient-ils été en mesure de comprendre ce qui leur arrivait, de rester calmes et de réfléchir ? Comme les S.S. se déchaînaient, la foule se mit en mouvement. La résistance passive des déportés était jugulée, les gens obéissaient, sous une pluie de coups, aux commandements : « Déshabillage général, en vitesse, tout le monde ! Allons, dare-dare ! »
    Maintenant, les hommes, les femmes et les enfants se dépouillaient rapidement de tous leurs vêtements en s’aidant mutuellement pour échapper aux coups. Bientôt, chacun se trouva nu, devant un petit tas de vêtements.
    Nous étions frappés d’horreur et nous tremblions dans tout notre corps. Il ne m’avait jamais été donné de voir un spectacle aussi éprouvant. Goliath Fischl lui-même, en dépit de sa grande piété, frémissait d’horreur, mais il avait encore assez de force morale pour prier et invoquer Dieu : Schéma Yisroel, Adonai Elohenu… Lorsqu’il se rendit compte que ses psalmodies pouvaient attirer l’attention des S.S., il cessa ses prières. Pour les S.S., Fischl était un détenu modèle ; entre leurs mains, il se laissait manipuler comme un robot ; cependant, les S.S. n’auraient en aucun cas tenu compte de sa soumission s’il s’était mis à gêner leur action.
    Je regardai la jeune femme avec son enfant. Elle s’était dévêtue comme les autres détenus et elle portait sa petite fille dans ses bras. Elle n’avait pas honte de sa nudité, elle avait un air absent, peut-être priait-elle.
    Deux S.S. se placèrent à côté du corps de garde de la porte d’entrée. Les autres firent entrer, en vociférant et à coups de matraque, les hommes, les femmes et les enfants, tous nus, dans la grande salle du crématoire. Il ne resta dans la cour que les tas de vêtements que nous devions rassembler. Nous entassâmes les sacs à dos, les vêtements, les souliers et les coffres dans un coin de la cour et nous recouvrîmes le tout avec une toile de tente.
    À peine avions-nous terminé que plusieurs centaines de personnes affluèrent de nouveau dans la cour. Les préludes de la mort se répétèrent avec la même brutalité et suivant la même méthode. Finalement, on parqua

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