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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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quand notre rabbin me préparait à la confirmation – le Bar-Mizwah  – à l’âge de treize ans. Lorsque Fischl priait, il nous faisait signe de nous lever et chaque fois qu’il inclinait la tête, à certains passages de la prière, nous répondions en chœur « Amen ». Cela me semblait insensé et absurde, ici, à Auschwitz, de prier et de croire en Dieu. En toute autre occasion et en tout autre lieu, je n’aurais pu prendre au sérieux un homme tel que lui, entêté et incompréhensible. Mais ici, au seuil de la mort, nous suivions docilement son exemple parce qu’il ne nous restait pas d’autre source d’espoir et que sa foi nous réconfortait.
    Nous étions devenus, sans le savoir, des « détenus au secret » et nous ne devions plus avoir de contacts avec les autres prisonniers ni avec les S.S. non initiés. Nous ne participions plus à l’appel des matricules ; nous étions inscrits sur une liste spéciale où nous figurions sous le numéro de notre cellule. Les jours suivants la porte de notre local s’ouvrit régulièrement trois fois par jour pour la distribution de nos portions. Plus de réquisitions pour le travail, il semblait que l’on nous eût oubliés. Un jour, cependant, une activité fiévreuse régna dans le sous-sol du bloc 11. Nous entendîmes la porte de fer et la grille d’accès aux cellules s’ouvrir et, d’après ce que nous pouvions comprendre, il ressortait qu’un groupe de S.S. était descendu dans le sous-sol. Ils se faisaient ouvrir les portes des cellules l’une après l’autre, et chaque fois, nous entendions le cri : «  Achtung ! » Aux timbres de leurs voix, je reconnus le croassement rauque d’Aumeier, l’alcoolique, et les vociférations du chef de la Gestapo Grabner.
    Ils s’informaient auprès du chef du rapport des motifs de détention des occupants des cellules. Après s’être brièvement concertés, ils faisaient connaître leurs décisions. Le plus souvent, on entendait : « Allez ! Dehors ! », véritable verdict de mort pour ceux à qui ils s’adressaient. Lorsqu’ils arrivèrent à hauteur de notre cachot, nous attendions, remplis d’appréhension et d’angoisse. Ils passèrent sans s’arrêter. La « sélection » des candidats à la mort dura environ une heure. L’épilogue avait lieu au mur des exécutions. De notre cellule, nous ne pouvions voir ce qui se passait dans la cour, mais nous entendions des plaintes lamentables et désespérées, des supplications et des pleurs, des invocations à Dieu, mais aussi des proclamations de foi patriotique, en langues russe et polonaise : « Vive la Pologne libre ! » ou « Vive Staline ! » Aumeier n’appréciait pas ce genre de scène. Afin de se faire comprendre de ses victimes, il se servait des quelques mots qu’il connaissait de leur langue : Szybko, szybko (vite, vite) et les malheureux étaient expédiés dans l’au-delà comme sur un tapis roulant. Figés d’angoisse, nous étions assis sur le sol de notre prison à l’écoute de chaque coup de feu qui nous parvenait assourdi par un silencieux. Nous étions ainsi les témoins à distance des exécutions. Si chaque détonation représentait un mort, il dut y avoir ce jour-là plus de 100 détenus abattus. La mort avait fait une abondante moisson de prisonniers dans la cour du bloc 11. Lorsque tout fut terminé, le silence ne fut plus interrompu que par le commandement : « L’équipe de ravitaillement dehors, au travail ! » Plus tard, on nous apporta notre ration de soupe. Nous l’avalâmes avidement, oubliant tout le reste.
     
    *
     
    Après quelques jours de répit, la porte de notre cellule s’ouvrit brusquement après l’appel du soir. Stark se tenait dans le couloir avec un détenu que nous ne connaissions pas. Il venait remplacer l’un des camarades qui avaient été abattus dans la fosse. Après avoir quitté le bloc, Stark nous conduisit au pas de course jusqu’à la porte principale et, de là, jusque dans la cour du four crématoire. Puis il nous fit placer à côté de la fenêtre grillagée de la salle d’incinération, le long du mur. Il nous menaça des punitions les plus graves si nous parlions à qui que ce fût de ce qui se passait ici. Il fit comprendre aussi à Fischl qu’il était responsable de l’observation stricte de cette consigne. Fischl acquiesça craintivement : « Oui, chef, j’ai parfaitement compris ! »
    Le physique de Stark était digne de son nom [3] .

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