Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
les deux étaient chargés de missions d’espionnage et devaient noter tous les propos des victimes que l’on acheminait vers l’usine de la mort, notamment tout ce qui pouvait concerner des actes d’insubordination. L ’Unterscharführer Seitz et un peu plus tard le Scharführer Busch furent envoyés en renfort dans les crématoires IV et V, qui étaient alors dirigés par Gorges et le Sturmann Kurschuss.
Sur l’ordre de Moll, on commença à creuser derrière le crématoire V cinq fosses, non loin des trois chambres à gaz. Un grand nombre de détenus partaient également au travail dans le secteur du bunker V pour en creuser d’autres.
Auparavant, Moll avait fait aménager, avec des branchages, des sortes de haies de 3 mètres de hauteur, formant écran, pour empêcher les curieux d’avoir de l’extérieur une vue sur les installations de la mort.
La prairie située derrière la cour du crématoire, où fleurissaient au printemps des milliers de fleurs, se transforma également en un chantier où travaillaient près de 150 détenus, équipés de pelles, de pioches, de brouettes, de marteaux piqueurs et d’outillages divers. Après les travaux d’arpentage, il allait falloir creuser des fosses d’incinération.
Moll, aidé d’un maçon, son assistant, s’affairait sans répit sur le chantier en voie d’extension. Il donnait ses instructions pour la construction des fosses du dépôt d’incinération, pour le choix de l’emplacement des machines de broyage des cendres et pour l’aménagement des autres installations.
Après avoir tracé l’emplacement des fosses d’incinération avec les installations accessoires, on commença les travaux proprement dits.
Nous étions répartis en cinq groupes de travail. Sans cesse harcelés par les menaces et les coups, nous retournions la terre lourde avec nos bêches pour creuser les fosses, ne pouvant rien faire d’autre que de plier sous la violence.
Avec le remplacement de Voss par Moll, nos conditions d’existence empirèrent, et nous devînmes de plus en plus abattus et désespérés. À peine avions-nous commencé les travaux de fouille que Moll remarqua que l’une des bêches était plantée dans le sol à quelques centimètres derrière le cordon qui jalonnait le bord de la fosse. Il eut alors un de ses accès habituels de rage folle et vociféra : « Tas d’idiots ! vous n’y voyez pas clair ? Que l’un de vous donne un coup de bêche à côté et il le sentira passer ! J’exige de vous un travail consciencieux et une obéissance totale ! » Bien entendu, sa crise provoqua également la colère des S.S. de surveillance, qui tombèrent sur nous à coups de matraque en hurlant : « Los, los ! Dalli, dalli ! 6 Damnés chiens ! Nous allons vous apprendre à travailler convenablement ! » Ne pouvant être en reste, les kapos se mirent eux aussi de la partie, toutefois sans nous brutaliser…
En ce premier jour de travail, l’agitation et la fièvre ne cessaient de croître et d’heure en heure la cadence de travail devenait plus meurtrière. La terre rejetée sur le bord de la fosse était chargée dans des brouettes et transportée au pas de course. Moll était partout à la fois. À chaque instant et en tout lieu, on était sûr de le voir apparaître, et lorsqu’il avait l’impression que nous étions à bout de forces, un air de satisfaction rayonnait sur son visage. Il était manifestement obsédé par son entreprise de mort dont l’accomplissement constituait son seul idéal. Mais pour nous les journées de travail étaient interminables et lorsque le soleil se couchait à l’horizon, nos forces nous abandonnaient. Les accents de la musique militaire qui arrivaient jusqu’à nous et accompagnaient le retour au camp des commandos de corvée avaient cessé depuis longtemps de se faire entendre lorsque nous revenions à la tombée de la nuit, après le coup de sifflet longtemps attendu.
Nos outils nettoyés et déposés à l’emplacement prévu, nous nous précipitions au pas de course jusqu’au lieu de rassemblement où les kapos dénombraient les rangées de cinq hommes en courant eux aussi le long de la colonne des détenus. Lorsque les S.S. étaient sûrs que personne ne manquait, nous pouvions enfin regagner le camp. Il fallait se rendre à l’évidence : depuis l’affectation de Moll nos conditions d’existence s’étaient considérablement dégradées. Tant que Voss avait été chef du
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