Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
commune, des milliers d’hommes seraient exterminés par les gaz. Des commandos de détenus, de toutes spécialités, des électriciens, des serruriers, des cantonniers, réussirent en moins d’un an à mettre en service cette installation de la mort.
À la fin d’avril 1944, le bruit se répandit que l’extermination des juifs hongrois était imminente. Cette nouvelle bouleversa les détenus du commando spécial. Allions-nous encore assister impuissants à cette tuerie industrielle de centaines de milliers d’hommes ? Nous alertâmes le mouvement de résistance du camp afin que l’on se décidât à donner le signal du soulèvement. Mais les responsables ne voulaient toujours pas en prendre le risque. Ils nous prônaient la patience, alléguant la perspective de l’avance de l’armée Rouge, qui devait bientôt démoraliser et désorganiser les S.S. Dès qu’elle serait suffisante, une résistance ouverte pourrait être envisagée.
Mais nous objections qu’une telle attitude aurait pour effet de condamner à mort des centaines de milliers d’innocents. On nous répondit que, de toute façon, il n’y avait aucune autre issue pour eux. Cette tactique dilatoire du mouvement de résistance nous semblait maintenant claire. Pas vraiment décidés à combattre, ni pour leur propre vie ni pour sauver celle de milliers d’autres hommes, ils estimaient leurs chances de survie de plus en plus grandes et, par suite, étaient de moins en moins décidés à prendre des risques dans une entreprise très hasardeuse. Qui aurait pu leur reprocher leur prudence alors que la libération leur paraissait maintenant proche ? Il ne restait donc rien d’autre à faire qu’attendre les événements en rongeant notre frein.
Au début du mois de mai 1944, nous vîmes arriver avec effroi dans le secteur des crématoires le commandant de camp Höss et, quelques jours plus tard, l’Hauptscharführer Moll. Nous ne connaissions que trop le S.S. Moll. C’était lui qui, au cours de l’été 1942, avait fait brûler les corps qui se trouvaient dans les charniers près des bunkers I et II, et qui avait ordonné la liquidation des hommes du commando spécial jusqu’au dernier.
En raison de l’importance de l’opération d’anéantissement envisagée, le commandant de camp Voss avait chargé Moll, l’un des pires meurtriers de la seconde guerre mondiale, de la direction des opérations.
Moll était un homme de taille plutôt petite, de stature ramassée et robuste. Il avait un visage joufflu, parsemé de taches de rousseur et portait un œil en verre. Pour cette raison, nous l’avions baptisé : « le Cyclope ».
Il était brutal, cynique et sans scrupules, considérait et traitait tous les juifs comme des sous-hommes. Il se plaisait de plus à tourmenter ses victimes et aimait imaginer de nouveaux supplices et des méthodes de torture sophistiquées. Son sadisme était sans limite, et sa soif de meurtre et sa cruauté inconcevables faisaient souvent douter de son équilibre mental.
Incapable de se dominer, d’un fanatisme outrancier, il était également doté d’une énergie inépuisable, d’une conscience scrupuleuse dans l’accomplissement de ses missions et avait des capacités exceptionnelles d’organisation. Bref, un monstre, dans toute l’acceptation du terme, prédestiné mieux que personne à exécuter ces actions de destruction collective. De l’avis général, Voss, chargé jusque-là des quatre crématoires, n’arrivait pas à sa cheville. C’est pourquoi on le releva de ses fonctions.
Moll commença à demander la mutation de nombreux sous-chefs S.S. C’est ainsi que l’Unterscharführer Stein, qui dirigeait provisoirement le commando des crématoires II et III, fut bientôt remplacé par L’Oberscharführer Mushfeldt qui venait de Madjanek. Nous apprîmes par les prisonniers soviétiques qui le connaissaient bien, que cet homme à l’apparence débonnaire et inoffensive, au visage sympathique, était en réalité une brute sans pitié. Les sous-chefs Hollander et Eidenmuller étaient placés sous ses ordres. Ces derniers étaient des gaillards de haute taille, secs comme des échalas.
Moll avait enfin désigné l’Unterscharführer Eckard comme responsable de la fabrique de morts du bunker V.
C’était un homme d’environ vingt-huit ans, grand, blond et élancé, d’origine hongroise. Son assistant, un nommé Kell, venait de Lodz ; il comprenait le polonais et le yiddish. Tous
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