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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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crématoire, notre vie s’était relativement bien déroulée.
    Il était, bien sûr, un meurtrier, mais ce n’était pas le pire à Auschwitz. La trentaine, de taille moyenne, trapu, avec un nez aquilin et effilé, il avait un goût immodéré pour l’alcool. Il n’assurait cependant pas son service au crématoire avec l’obsession maniaque, le zèle et le fanatisme de Moll. Naturellement il accomplissait consciencieusement son rôle au cours des exécutions collectives. Mais en ces circonstances, je l’entendais parfois bougonner : « Les ordres sont les ordres. » J’avais alors l’impression qu’il essayait de prendre sur lui, de se donner du courage ou qu’il s’efforçait de vaincre ses derniers scrupules… La formation reçue chez les S.S. l’avait rendu docile et avait neutralisé son esprit critique, mais elle n’avait pas fait de lui un fanatique de l’extermination juive en masse, un être complètement insensible et fermé à tout sentiment humain.
    Voss avait une personnalité double. Il savait jouer différents rôles. Tantôt, il plaisantait, détendu, riait cordialement, conversait avec nous en parlant de choses banales, traitant ses subordonnés d’une manière affable et bienveillante qu’il ne montrait jamais à ses chefs. Tantôt il remplissait sans scrupules sa mission : abattre des hommes, des femmes et des enfants devant le mur des exécutions. Pour nous, c’était pourtant l’un de nos bourreaux les moins inhumains.
    Il avait aussi, en plus de son penchant pour l’alcool, un autre point faible que nous exploitions sans scrupules. Il aimait l’or, les brillants, les dollars et tous les objets de valeur. Comme après les opérations de gazage on en trouvait un grand nombre nous pouvions lui en offrir souvent. Avant chaque permission, à l’occasion de laquelle il regagnait son domicile, il les dissimulait sous ses épaulettes ou dans les replis secrets de son uniforme qu’il avait fait coudre spécialement par un tailleur, originaire de Paris.
    Ce genre de corruption que nous pratiquions également avec d’autres S.S. nous était d’un grand secours. Si cela ne comportait pas trop de risques, plusieurs de nos surveillants fermaient les yeux, si bien qu’il se passait beaucoup de choses qu’ils faisaient semblant de ne pas voir.
    Après le départ de Voss allions-nous pouvoir conspirer comme par le passé et entretenir des contacts avec le camp ? Moll et ses sbires n’allaient-ils pas nous réserver le sort des « musulmans » ? Il fallait cette fois essayer d’organiser d’urgence le soulèvement.
    Pourquoi donc le monde civilisé acceptait-il sans réactions tangibles que la fabrique de morts d’Auschwitz continuât à travailler à un rythme accéléré, alors que la défaite du III e  Reich apparaissait comme inévitable ? Walter Rosenberg et Alfred Wetzler s’étaient déjà évadés depuis près d’un mois, et nous n’avions aucun indice laissant supposer qu’ils n’eussent pas atteint leurs objectifs. Les nazis et leur ministre de la Propagande, inégalables dans l’art du mensonge, étaient-ils encore parvenus à tromper le monde entier ? C’est la question que nous nous posions sans cesse. Mais peut-être avait-on refusé d’ajouter foi aux descriptions faites par Albert, les crimes étant tellement abominables. Les deux fugitifs avaient dans ce cas peut-être été considérés et traités comme des insensés.
    Encore une fois je perdais mes illusions. Cependant, les dirigeants de la Résistance avaient eu des entretiens avec ceux du mouvement clandestin et nous apprîmes que le déclenchement de la résistance ouverte devait avoir lieu dans quelques semaines. Cette nouvelle rassura un peu la plupart d’entre nous. Il fallait à tout prix éviter tout incident avec nos geôliers.
    Ce matin-là, comme à son habitude avant le début du travail, Moll courait nerveusement sur le chantier et parlait fort. Il examinait le terrain, allant d’un endroit à un autre avec un plan de grande dimension qu’il avait déplié et où il comparait les tracés prévus avec les fosses correspondantes et les installations annexes. Il était accompagné par ses subordonnés qui le suivaient avec zèle et leur donnait des instructions relatives aux travaux du jour. Son chien de berger, qu’il aimait avec idolâtrie et qu’il cajolait, ne le quittait pas d’une semelle.
    Pendant ce temps, les kapos, près de leurs colonnes respectives, attendaient ses

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