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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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la maisonnée, sauf ta sœur,
bougonna Jethro, trempant ses doigts dans la coupe d’eau fraîche que lui
tendait Tsippora.
    C’était vrai, Orma était bien la seule à se
tenir à l’écart. Depuis la première visite de Moïse, elle avait conservé un visage
coléreux. Elle n’approchait jamais de la tente sous le sycomore d’Epha. Une
grimace de vague mépris crispait ses lèvres dès que le nom de Moïse était
évoqué. Lorsqu’il pénétrait dans la cour de Jethro, ce qui arrivait peu, elle
prenait soin de ne lui accorder aucun regard. Et si jamais, au-dehors, leurs
chemins se croisaient, elle n’hésitait pas à détourner la tête.
    À la voir faire, Sefoba et Tsippora riaient
tout autant que les servantes, qui se poussaient du coude avec des clins d’œil.
Mais ces rires, en vérité, révélaient moins la gaieté de Tsippora que son
désarroi et son chagrin. Alors que Moïse était là, tout près, choyé par la
maisonnée, c’était elle, soudain, qui se sentait étrangère et ignorée. Depuis
deux lunes que la tente de Moïse était dressée, rien de ce qu’elle avait espéré
au plus profond de son âme n’était advenu. Bien au contraire.
    Dans les jours qui avaient suivi
l’installation de Moïse, craignant de paraître trop impatiente, peut-être même
impudente, elle s’était conformée aux paroles de Jethro : « Ne te
précipite pas. Les jours seront nombreux devant toi. » Avec toute la
volonté dont elle était capable, elle avait résisté au désir brûlant de faire
un geste qui aurait pu rappeler leur bref instant d’intimité dans la grotte.
Elle s’était interdit de lui porter son repas du matin, avait laissé à d’autres
le plaisir de l’initier à sa nouvelle existence, de recevoir son sourire et ses
mercis. D’être là, comme par enchantement, quand il avait besoin d’aide.
    Elle y était si bien parvenue que sa
présence au côté de Moïse devint vite rare et anodine. Les choses suivant leur
train, Moïse se trouva bientôt occupé par une tâche ou une autre, l’attention
captée par les servantes ou par les enfants. C’était à peine s’ils se
croisaient. Et quand cela enfin arrivait, alors qu’elle avait imaginé le
bonheur qu’il y aurait à le voir vivre et, peut-être, à l’aimer, elle
n’éprouvait que vide et déception. Moïse ne lui accordait d’autre attention que
celle qu’il offrait, sans distinction, à toutes les âmes de la maison.
    Elle commença à douter de l’éblouissement
qui l’avait saisie à la vue de Moïse péchant. À douter qu’il eût un jour
effleuré sa bouche de ses doigts. À douter même que l’étranger fût ce qu’il
disait et ce qu’il paraissait.
    Elle s’endormait avec le souvenir du corps
de Moïse, nu dans la mer, avec le souvenir des bracelets d’or serrés dans le
coffre peint couvert d’écritures. Cela existait-il réellement ? Ne
connaissait-elle plus la différence entre le rêve et la réalité ?
    Le désir d’un instant de solitude près de
Moïse se mua en douleur : la douleur de la jalousie. Elle en devint
maladroite et excessive. Jamais encore un homme n’avait tant occupé ses
pensées. Elle en était déconcertée et honteuse. Elle n’osait pas le montrer, et
encore moins le confier, même à Sefoba.
    Un matin, enfin, elle se leva, décidée à
balayer ses tourments. Il était temps qu’elle redevienne elle-même et qu’elle
brise sa trop longue patience.
    Le soleil effleurait à peine le sycomore de
la route d’Epha lorsqu’elle parvint en vue de la tente. Elle n’alla pas plus
loin. La toile de la portière se souleva et une servante parut. Tsippora la
reconnut et murmura son nom :
    — Murti !
    C’était une jolie fille, à peine plus jeune
qu’Orma. Sa silhouette était fine, pleine de grâce alors qu’elle s’appuyait au
gros tronc du sycomore.
    Tsippora crut que son sang se changeait en
sable. Elle songea qu’elle avait été stupide de ne pas y penser.
    Le regard des jeunes servantes sur Moïse,
elle l’avait vu ! Il ne manquait pas de femmes attirantes autour de
Jethro. Ce qui venait d’arriver était inévitable. Il ne fallait pas en vouloir
à Moïse.
    Là-bas, cependant, devant la tente, Murti
s’agenouillait, paraissant s’effondrer, les mains au sol. Puis immédiatement
elle se releva. Courant comme une folle, la bouche grande ouverte et les joues
ravinées de larmes, elle s’approcha de Tsippora.
    Celle-ci bondit au milieu du chemin.
    — Murti !

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