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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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présent, elle criait. Les servantes
apparurent sur le seuil des pièces, toute la cour vibra des mots qu’Orma, hors
d’elle, jetait avec toute la violence dont elle était capable :
    — Tu ne m’aimes pas ! Je le sais,
mon père, que tu me trouves sotte. Seule Tsippora compte pour toi !
    Et ça ne m’étonne pas que l’étranger te
plaise. Il est fourbe, il joue à l’esclave. Qu’ils s’entendent ! La
couleur de la peau en moins, il aura le même destin que celle que tu nous
imposes comme une sœur, mais qui n’a jamais été la mienne !
    Sefoba laissa échapper un murmure. Orma
s’enfuit à l’autre bout de la cour, laissant un silence crissant derrière elle.
    Quand elle eut disparu dans la pièce des
femmes, Jethro soupira avec émotion :
    — Ma fille, ma fille !
    Sefoba glissa sa main dans celle de
Tsippora.
    — Elle ne pense pas vraiment ce
qu’elle dit.
    Le regard de Tsippora brillait un peu trop
dans la lumière du crépuscule. Elle approuva d’un petit signe de tête.
    — Elle ne le pense pas, répéta Sefoba.
Elle est déçue, elle a perdu un prince aujourd’hui.
    Jethro secoua la tête avec tristesse.
    — Si, elle le pense. Au moins un peu.
Et peut-être a-t-elle dit vrai pour une chose. Je ne l’aime pas assez.
    Sefoba et Tsippora baissèrent les yeux avec
gêne. Jethro toucha l’épaule de son aînée.
    — Va près d’elle. Elle a besoin de
caresses. Ce n’est pas seulement un prince qu’elle a perdu aujourd’hui, mais un
peu de sa vanité.
    *
    * *
    Après que Sefoba se fut éloignée, Tsippora
et Jethro demeurèrent longtemps silencieux. Les mots terribles d’Orma tout à la
fois les rapprochaient et les intimidaient. L’un et l’autre percevaient la
sincérité de la douleur sous la fureur et s’en sentaient plus coupables
qu’offusqués. Fille et père, oui, ils l’étaient si profondément et avec un tel
bonheur, une telle force, que ni le sang ni la couleur de la peau n’y étaient
mêlés. Qui pouvait comprendre cela ? Personne sur les terres de Madiân,
pas même tout à fait Sefoba.
    Le sommet de la montagne d’Horeb était
devenu gris. La brise du soir s’élançait à petites bouffées, portant les
senteurs des jardins et les cris des enfants qui cherchaient à échapper au
sommeil. Des servantes installèrent les lampes. Les phalènes aussitôt s’en
approchèrent pour entamer leur ballet obstiné.
    Tsippora avait oublié les cris d’Orma. Elle
songeait aux bracelets d’or qu’elle avait découverts dans la grotte de Moïse et
dont elle n’avait pas encore parlé à Jethro. Elle n’arrivait cependant pas à se
convaincre de le faire, même maintenant, dans la chaleur du soir qui les
unissait si parfaitement. Ce qu’elle avait découvert dans la grotte était un
secret qu’elle ne devait pas dévoiler et qui n’appartenait encore qu’à Moïse.
    Comme s’il avait suivi le cheminement de sa
pensée, Jethro déclara tout bas :
    — Bien sûr qu’il ne nous a pas tout
dit ! Il parlait des esclaves de Pharaon comme un homme dont les yeux
contemplent la vérité depuis peu. Pas comme celui qui est né dans cette douleur
et la vit depuis toujours.
    — Il ne ment pas, cependant.
    — Non, non ! Il ne ment pas.
    — Il est hébreu et non égyptien. La
voix de Jethro redevint pensive :
    — Il est fils d’Abraham, je veux bien
le croire. Mais il semble bien que les Hébreux d’Égypte ignorent qui nous
sommes, nous, les gens de Madiân.
    — Moïse l’ignore, corrigea Tsippora.
Comme il ne connaît pas bien notre langue.
    Jethro approuva avec un petit sourire.
    — Tu as raison.
    — Tu ne lui as pas demandé qui est son
dieu. D’habitude, mon père, c’est la première question que tu poses aux
étrangers.
    — C’était inutile : il n’a pas de
dieu. Ni ceux d’Égypte ni celui des Hébreux. C’est pour cela qu’il ne sait que
faire de lui-même.
    Tsippora ne demanda pas comment Jethro
pouvait être si certain de ce qu’il affirmait. La nuit était pleine, désormais.
Des enfants ou des servantes glissaient comme des ombres le long des murs.
Jethro chassa une phalène qui voletait jusqu’à sa barbe.
    — Quand il a dit qu’il avait tué,
remarqua Tsippora, tu n’as pas eu l’air surpris.
    — Je n’avais pas à l’être. Quelle
raison peut pousser un homme à traverser la mer, sans savoir où il se dirige et
sans autre compagnie que sa peur ?
    Ainsi, comme elle, Jethro avait perçu la
peur de Moïse.

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