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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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force ? S’il vient la guerre, ils se rangeront aux côtés de nos
ennemis ! Soyons sages, noyons ce ferment de révolte avant qu’il ne
fructifie. Épuisons-les à la tâche ! Empêchons-les de se multiplier ! »
    C’est ainsi que Thoutmès-Aakhéperkaré
décida que chacun des garçons premiers-nés des Hébreux serait égorgé à la
naissance.
    Comment dire les cris, les larmes, les
pleurs de celles dont les ventres étaient déjà gros ? Nombreuses furent
celles qui se cachèrent et mentirent afin de sauver leur fils. D’autres
inventèrent toutes sortes de subterfuges pour qu’il échappe à la mort. La femme
qui portait Moïse fut de celles-ci.
    — Qui était-elle, où vivait-elle,
comment m’a-t-on trouvé ? aujourd’hui encore je l’ignore. Ce que je sais,
c’est que celle à qui j’ai donné le nom de mère ne m’a pas enfanté.
    Cette fois, le silence de Moïse dura
longtemps. Le feu au visage, Tsippora demeura sans un mouvement.
    — Celle que j’appelais ma mère était
la fille bien-aimée de Thoutmès-Aakhéperkaré, reprit Moïse d’une voix plus
froide. Hatchepsout. Mère Hatchepsout, ainsi la nommais-je. Aussi loin que je
me souvienne, c’est ce nom et ce visage qui apaisèrent mes colères et
nourrirent mes plaisirs d’enfant. Le visage d’une souveraine douce et sage.
    Dès la naissance de sa fille bien-aimée,
Thoutmès-Aakhéperkaré avait voulu en faire une reine. Les prêtres s’y étaient
opposés. Alors, après bien des manœuvres, Pharaon lui avait donné pour époux un
fils faible qu’il avait eu d’une seconde épouse. Fils et gendre qui lui
succéderait et serait nommé Thoutmès le Second.
    — Ainsi ma mère put en secret
gouverner le pays sans s’attirer la colère des prêtres. Cependant, elle savait
qu’elle ne pourrait enfanter un fils avec son frêle époux. Est-ce pour cela
que, contrevenant à l’ordre de son père, elle a pris contre son sein un
nouveau-né d’Hébreux et fait croire qu’il sortait de son ventre par la volonté
d’Isis et de Nephtys, faisant de moi le fils de Pharaon ?
    Alors, songea Tsippora, en serrant ses
mains l’une contre l’autre pour maîtriser leur tremblement, Moïse était bien
celui qu’Orma avait deviné dès le premier instant. Un prince. Et aussi, sans
plus de doute, l’homme de son rêve : un être pareil à nul autre.
    — Mère Hatchepsout a été pour moi
tendre comme l’est une mère. Mon front conserve le souffle de ses lèvres et ma
gorge le souvenir de son parfum. D’où je venais, elle seule et une servante le
savaient. Faire croire à son époux, qu’elle méprisait, que j’étais son fils
était simple. Mais mentir à Pharaon, son père, avant qu’il ne meure et ne monte
dans la barque d’Amon ne l’était pas… On m’a donné le nom de Moïse. Rien ne fut
trop splendide pour moi ! On m’a enseigné tout ce que devait savoir un
« désigné d’Amon ». On m’a appris les mots écrits, on m’a appris
l’ordre des étoiles, du temps et des saisons. On m’a appris à aimer et être
aimé. On m’a appris à me battre, à commander et à mépriser tout ce qui n’était
pas la volonté des puissants et des dieux du Fleuve Itérou.
    Moïse chercha le regard de Tsippora,
qu’elle se garda de lui offrir. Il attendit un peu, comme s’il puisait ses
souvenirs dans le vent et le ressac.
    — Je vivais et pensais non seulement
comme le fils d’Hatchepsout et de Pharaon, mais aussi comme un homme du Grand
Fleuve. Parfois, je voyais les esclaves en allant admirer de nouvelles colonnes
ou de nouveaux temples. En vérité, je ne pensais pas à eux comme à des hommes
et des femmes. C’était les Hébreux, des esclaves. Il a fallu que la haine et
les intrigues m’ouvrent les yeux et me conduisent à la vérité.
    En très peu d’années, Thoutmès le Second
est mort. Moïse, devenu homme, n’en avait pas souffert. Il avait observé sa
dépouille sur la barque d’Amon avec indifférence. Mais, sitôt les pierres du
tombeau scellées, les complots enflammèrent les palais et les temples.
Hatchepsout s’était avancée sous le soleil, en tenue d’homme, serrant sur sa
poitrine les sceptres d’Osiris, le fouet et le crochet d’or. Resplendissante de
beauté et assurée, comme nul ne l’avait été depuis son père, de l’aide et du
soutien des prêtres d’Amon, elle avait reçu sur sa perruque d’or la tiare des
rois de Haute et Basse-Égypte. Les prêtres d’Osiris avaient

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