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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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pas impressionné. Il lança un coup d’œil
vers Tsippora qui se tenait à présent toute droite, telle une statue. Il eut un
petit geste modeste. Il montra la margelle de l’abreuvoir où il avait abandonné
une gourde de belle peau, mais toute plate.
    — Le hasard. Je cherchais le puits
pour ma gourde. Orma demanda :
    — Tu voyages seul ? Sans escorte
ni troupeau ? Tu cherches ton eau au hasard ?
    L’embarras gagna aussitôt le visage de
l’étranger. Sefoba vint à son secours :
    — Orma ! Ne pose pas tant de
questions ! Orma effaça le reproche de son plus beau sourire.
    Elle s’éloigna un peu, avança jusqu’à la
margelle du puits, annonça que l’eau était bien basse. Tsippora ne douta pas
qu’elle s’agitait ainsi pour s’assurer que l’étranger la suivait des yeux,
fasciné, telle une abeille qui ne peut s’extraire d’une figue éclatée par le
soleil.
    Orma maintenant jetait la corde où était
suspendue une petite poche de cuir avec laquelle on se désaltérait. Elle
s’exclama :
    — Tsippora, viens boire un peu d’eau.
Tu ne dis rien. Tu es sûre que ça va ?
    L’étranger l’observa à nouveau. Tsippora
sentit tout à coup sur son corps les griffures du fils de Houssenek. Ses
cuisses et son ventre en étaient douloureux. Elle alla prendre la gourde que
remontait Orma. Dans son dos, Sefoba expliquait :
    — Nous sommes les filles de Jethro.
Mon nom est Sefoba, voici Orma et Tsippora. Notre père est le sage et le juge des
rois de Madiân…
    L’étranger hocha la tête.
    — Sais-tu au moins que tu te trouves
sur les terres des rois de Madiân ? questionna Orma, ourlant les lèvres.
    Sefoba manqua de protester, mais l’étranger
ne parut pas percevoir l’ironie.
    — Non, je ne sais pas. Madiân ?
Je connais mal votre langage. Je l’ai appris en Égypte. Un peu…
    Orma allait encore parler, mais il leva la
main. Une main qui n’était pas celle d’un berger. Pas plus que celle d’un
pêcheur ou d’un homme qui travaille la terre et malaxe la glaise des briques.
Une main qui savait tenir des armes mais aussi faire les gestes simples des
puissants : donner des ordres, réclamer le silence et l’attention.
    — Mon nom est Moïse. En Égypte, cela
signifie : « Tiré des eaux ».
    Il rit. Un rire qui, étrangement, le
faisait paraître plus vieux. Il posa un regard rapide sur Tsippora, comme s’il
espérait qu’elle allait enfin parler, remarqua sa taille et ses cuisses fines
qui se dessinaient sous la tunique, ses seins fermes, mais n’osa croiser les
prunelles d’un noir lumineux qui l’affrontaient avec insistance. Il désigna les
brebis.
    — Les bêtes ont soif. Je vais vous
aider.
    Un moment elles l’observèrent,
silencieuses, étonnées, certaines que cet homme était un prince. Un prince en
fuite.
    Tout en lui désignait le puissant seigneur.
Ses maladresses comme sa force, la finesse de ses mains comme la qualité de sa
ceinture. On voyait qu’il n’avait pas l’habitude de puiser l’eau dans un puits.
Il attrapait le balancier trop haut, glissait ensuite trop près du pivot.
Lorsque les outres se soulevaient, dégoulinantes et aussi lourdes qu’une mule
morte, il lui fallait se suspendre de tout son poids à la poutre de cèdre pour
en maintenir l’équilibre et la faire pivoter au-dessus de l’abreuvoir, où les
brebis, bêlantes d’impatience, attendaient. Que d’efforts inutiles ! Sous
les plis du pagne, ses cuisses gonflaient, puissantes et dures, les muscles de
ses épaules et de ses reins roulaient, bien visibles sous la peau lustrée de
sueur.
    Malgré son manque de savoir-faire, ou à
cause de lui, il s’obstina. Finalement, ce fut lui tout seul qui abreuva les
bêtes sans que Tsippora ou ses sœurs fassent le moindre geste pour l’aider,
jusqu’à ce que le ballant de cèdre, libéré trop soudainement de sa charge, se
détende avec une vibration sourde. Les épaules de l’Égyptien tremblèrent. Il
manqua perdre l’équilibre. Orma émit son petit rire de gorge. Tsippora eut la
présence d’esprit d’attraper la gourde vide qui giflait l’air. Quand elle se
retourna, la main fine d’Orma était posée sur le palan, tout près de celle de
l’étranger.
    — Les brebis ont assez d’eau pour
l’instant. Grand merci pour ton aide. Mais on voit que, dans ton pays, tu n’as
pas l’habitude de manier le chadouf.
    Moïse lâcha la poutre.
    — C’est vrai, dit-il seulement.
    Il frotta ses mains l’une

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