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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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que faire de ces susceptibilités infantiles, n’est-ce pas ? »
    Il désigna une petite table où une bouteille était posée.
    « Je vous propose de mettre un terme à cette discussion autour d’un verre de schnaps. Qu’en dites-vous ? »
    L’homme avait hésité avant de se dérider à son tour.
     
    Le récit terminé, une expression de malaise avait envahi les visages d’Ostermeyer et de Müller.
    « Vous avez pris de gros risques, capitaine, avait murmuré ce dernier. Il n’est pas bon de se faire remarquer par ces gens.
    — Il n’est pas bon non plus, Herr Müller, qu’un capitaine se laisse dicter la loi par de vulgaires paysans ! »
    Ni l’officier en second ni le commissaire n’eurent besoin de se concerter pour savoir que l’allusion visait principalement Otto Schiendick. D’ailleurs, ce dernier attendait derrière la porte.
    « Qu’il entre », ordonna Schröder.
    Aussitôt, l’Ortsgruppenleiter fut introduit dans la cabine. Il avait la mine sombre et se contenta d’un vague salut. Il détestait être convoqué.
    « Je tiens à vous préciser, commença Schröder d’une voix neutre, que vous avez le droit de garder le silence. Mais si vous le faites, sachez que l’affaire sera rapportée à nos instances supérieures. »
    Le steward répliqua sèchement :
    « Encore faudrait-il que je sache quelle est la raison de ma présence ici. Je ne…
    — Vous êtes ici, coupa Schröder, glacial, pour répondre d’une tentative de mutinerie. Et je m’empresse de vous dire que les accusations que vous avez portées à mon encontre ont été jugées infondées par la Gestapo. »
    Otto Schiendick réprima un sursaut.
    « Oui, Schiendick, vous avez bien entendu. Rien ! Ils n’ont rien retenu. Vos allégations ont fini au panier. »
    Il marqua une pause avant de s’enquérir :
    « Est-ce clair ? »
    Le steward conserva le silence.
    Le capitaine enchaîna :
    « Vous n’êtes pas sans savoir quel est le châtiment encouru, en vertu du code pénal maritime, si vous êtes reconnu coupable. À titre d’information, je vous rappelle les articles essentiels. »
    Il récita sur un ton ferme :
    « “Sera condamné à cinq ans d’emprisonnement tout homme d’équipage qui a, après une sommation formelle du capitaine ou d’un officier spécialement désigné à cet effet par le capitaine, refusé d’obéir ou résisté à un ordre concernant le service, donné pour assurer la garde ou la sécurité du navire et lorsque la non-exécution de cet ordre est de nature à entraîner des conséquences dommageables. Article 61 – Toute personne impliquée dans un complot ou dans un attentat contre la sûreté, la liberté ou l’autorité du capitaine sera punie de la peine de mort.” »
    Schröder marqua un court temps d’arrêt avant de conclure :
    « “Il y a complot dès que la résolution d’agir est concertée entre deux ou plusieurs personnes embarquées à bord d’un navire.” »
    Le steward s’enflamma d’un seul coup.
    « Jamais ! Je n’ai jamais essayé de soulever l’équipage ! Je rejette formellement cette accusation.
    — Vous l’avez fait ! »
    Le steward se figea. Un combat se livrait dans sa tête. Il était partagé entre l’envie d’envoyer son interlocuteur au diable vauvert et l’obligation de mener à bien la mission d’espionnage dont l’avaient chargé les services secrets. Il ne fut pas long à se décider.
    En fait, à leur insu, les deux hommes étaient enchaînés l’un à l’autre par d’invisibles maillons. Schiendick tenait absolument à réussir sa mission ; Schröder avait la responsabilité de mener ses passagers à bon port.
    « Je suis désolé, capitaine. Il s’agit d’un malentendu. »
    Les mots lui arrachaient la gorge.
    « Non ! insista Schröder. Il ne s’agit pas d’un malentendu. Et vous le savez parfaitement. Et si c’était le cas, dites-vous que je ne tolérerai pas un malentendu de plus. Nous sommes-nous compris, Herr Schiendick ?
    — Oui, capitaine.
    — Autre avertissement. J’exige que les passagers que nous allons transporter soient traités de la même manière que ceux qui ont déjà voyagé avec nous par le passé. Cette règle s’applique aux trois cent trente membres d’équipage, vous y compris. »
    Schiendick acquiesça, la mine sombre.
    « Parfait. Vous pouvez disposer. »
    À peine le steward sorti, l’officier en second s’étonna :
    « Surprenante docilité,

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