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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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la Hapag : le surnommé Robert Hoffman. Ce dernier était chargé de lui remettre un « colis » pour l’Abwehr.
    Hoffman était depuis quelques semaines déjà dans le collimateur des agents secrets américains qui se trouvaient sur place. Parmi ceux-ci : l’attaché naval Ross E. Rowell. Il y avait à peine quatre mois qu’il était en poste à La Havane, et il avait réussi à se faire une opinion quant à l’efficacité du réseau mis en place par l’Abwehr. Dans l’un des rapports qu’il fit parvenir à ses supérieurs, il décrivait Hoffman comme un personnage froid, imperméable à toute forme d’émotion, spécialiste de la corruption et du chantage. Mais il n’y avait pas que Hoffman. Un autre agent avait été lui aussi identifié. Il s’agissait de Julius Otto Ott, propriétaire d’un restaurant appelé Swiss Home et situé en plein cœur de La Havane. Rowell le décrit de manière aussi précise que peu flatteuse : « Un homme âgé de trente-cinq à quarante ans. C’est un nain (pas plus de 1,35 m) affublé d’une bosse dans le dos. Il a le teint terreux, des taches de rousseur et porte parfois des lunettes. » Toujours selon Rowell, le restaurant servait de lieu de rassemblement à de nombreux agents nazis qui, la plupart du temps, se faisaient passer pour des réfugiés juifs. Parallèlement, l’Américain était parvenu à dépister deux autres lieux, véritables nids d’espions eux aussi : l’hôtel Nacional et l’hôtel Sevilla. D’entre tous les courriers émis par ces agents et que Rowell avait réussi à intercepter, il en était un qui, plus que les autres, avait eu le don d’émouvoir les autorités américaines. Et pour cause, le rapport en question indiquait que l’Abwehr mettait tout en œuvre pour s’accaparer plusieurs tonnes de nitroglycérine aux États-Unis, en vue de saboter les usines clés du pays.
     
    Tapi sous les peaux puantes près du hangar 76, Aaron Pozner ne pouvait savoir toutes ces choses. D’ailleurs, l’eût-il su qu’il n’en aurait rien eu à faire. La seule chose qui comptait pour lui, c’était de rester en vie jusqu’à l’aube, puis monter à bord du Saint-Louis. Ensuite, il ressusciterait.
    Matin du 12 mai 1939
    Assis bien droit derrière son bureau, le capitaine Gustav Schröder finit d’expliquer la situation à l’officier en second, Klaus Ostermeyer, ainsi qu’à Ferdinand Müller, le commissaire de bord. Deux hommes qu’il estimait et qui avaient toute sa confiance. Il venait de les informer de la plainte déposée contre lui par Otto Schiendick auprès de la Gestapo. La veille au soir, un agent du nom d’Erich Staüb était venu lui rendre visite et l’avait sommé de s’expliquer à propos des accusations portées contre lui par le steward.
    « Que me reproche-t-on ? avait rétorqué le capitaine, imperturbable.
    — Vous auriez proposé à l’équipage de démissionner !
    — C’est exact. »
    L’agent avait froncé les sourcils.
    « À un détail près, précisa Schröder. J’ai clairement expliqué que les passagers que nous nous apprêtions à emmener n’étaient pas des passagers comme les autres. »
    Une moue dédaigneuse s’afficha sur le visage de l’agent de la Gestapo.
    « Des Juifs.
    — Sachant l’aversion qu’éprouvent certains membres de mon équipage à l’égard de ces gens – Otto Schiendick en particulier – j’ai jugé préférable de ne pas leur imposer cette promiscuité. Sachez que j’ai pour devoir de faire régner le calme et la sécurité à bord. Je ne puis tolérer le moindre écart. Il y va de la sécurité de mes passagers et de celle du navire dont j’ai la charge. »
    Il prit une brève inspiration avant de demander :
    « En quoi est-ce répréhensible ? »
    L’agent de la Gestapo se contenta de grommeler :
    « Vous ne pouvez nier qu’il s’agit d’une incitation au refus de servir le Reich. C’est extrêmement grave !
    — Croyez-vous que l’on puisse servir le gouvernement dans l’indiscipline et le désordre ? Est-ce ainsi que vous envisagez la grandeur du Reich ? Vous me surprenez, Herr Staüb. »
    Les deux hommes se toisèrent un moment, puis le capitaine estima plus judicieux de baisser la garde. Il avait une mission humanitaire à remplir. C’était la seule chose qui comptait. Ses traits se détendirent et il se força à sourire.
    « Allons ! Nous n’allons tout de même pas faire un plat de cet incident. Nous n’avons

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