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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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dirigeait vers la sortie. Presque immédiatement, tous les autres lui emboîtèrent le pas. Bientôt, la salle fut déserte, il n’y avait plus que les gesticulations du Führer pour occuper le décor. Le steward jubilait. Une question néanmoins tracassait son esprit maladif : pourquoi ces gens étaient-ils tous sortis en se tenant droit, le front haut ?
    Le Dr Spanier prit immédiatement la direction de la cabine du commissaire de bord. Il frappa deux coups. Une voix l’invita à entrer.
    En apercevant le visage blême de son visiteur, Ferdinand Müller pressentit immédiatement que quelque chose de grave s’était produit.
    « Pouvez-vous m’accorder quelques minutes ? demanda Spanier, la voix tremblante.
    — Bien sûr. Prenez place, je vous prie. »
    Le médecin déclina l’offre. Sans attendre, il rapporta ce qui venait de se passer dans la salle de cinéma et conclut :
    « À présent, j’exige de voir le capitaine. »
    Müller était atterré. Lui qui, depuis le départ, avait tout fait pour que rien ne vienne heurter la sensibilité des passagers avait négligé de visionner le contenu des documentaires. Il prit une profonde respiration et déclara :
    « Croyez que je suis sincèrement confus. Je puis vous assurer que ce genre d’incident ne se reproduira plus. »
    En guise réponse, Spanier se contenta de répliquer :
    « J’exige de voir le capitaine.
    — Je vous en prie, protesta Müller, il n’y a vraiment pas lieu d’en arriver là. Je puis vous assurer que…
    — Monsieur le commissaire, coupa sèchement le médecin. Je vous demande une nouvelle fois de répondre à ma requête. Je veux voir le capitaine. »
    À court d’arguments, Müller se résigna.
    Quelques instants plus tard, il introduisait le médecin dans la cabine de Schröder. Ce dernier écouta calmement le récit de l’affaire et quand Spanier se tut, la première pensée qui vint à son esprit fut : « C’est un coup de Schiendick. » Le salaud n’avait pas baissé les bras. Après un court moment de silence, il déclara :
    « Vous me voyez désolé, docteur. Croyez que je déplore cette faute de mauvais goût.
    — Une faute de mauvais goût ? C’est tout ce que vous trouvez à dire ? Comment avez-vous pu autoriser une chose pareille ? Savez-vous comment ce genre de chose peut être ressenti par des gens blessés, meurtris ? »
    Schröder baissa les yeux. Non, il ne savait pas. Il ne pouvait pas savoir.
    « Docteur Spanier, dit-il d’une voix posée. Acceptez mes excuses. »
    Il ajouta sur un ton sibyllin :
    « Nous sommes au milieu de l’Atlantique. Mais n’oubliez pas que nous sommes toujours en Allemagne. »
    Spanier se demanda comment il fallait interpréter cette remarque. Il resta silencieux, le regard fixé sur le capitaine. Il se dit qu’en effet ils étaient toujours en Allemagne et que Schröder ne pouvait rien faire de plus que d’agir en Allemand.
    Il pivota sur ses talons et se retira.
     
    Lorsque l’aube se leva, un soleil radieux étincelait sur l’océan. Nous étions le 20 mai. Depuis qu’ils avaient quitté les Açores, c’était le premier jour de beau temps. En effet, dans son désir de prendre de vitesse l’ Orduna et le Flandre, Schröder avait délibérément opté pour un passage au nord des îles ; zone connue pour son instabilité climatique. À présent, on allait retrouver une mer plus clémente.
    « Aujourd’hui premier jour de grand soleil, nota Erich Dublon dans son journal. Néanmoins il serait prudent de ne pas trop s’exposer. Nombreux sont ceux qui déjà sont victimes de brûlures. Sous ces latitudes, les rayons sont autrement plus redoutables qu’à la maison ! La piscine est noire de monde. Une visite du bateau a été organisée ; elle s’est révélée fort intéressante. L’Atlantique est si merveilleusement calme qu’il faut se lever de son transat et se pencher sur la mer pour se convaincre que nous continuons bien d’avancer. Pourtant, le navire progresse à grande allure. Il semblerait que la Hapag veuille arriver à Cuba avant deux autres bateaux ; un anglais et un italien (sic). Sur la carte maritime du pont-promenade, le repère s’est encore déplacé, nous sommes de plus en plus proches de notre destination. L’Europe, l’Allemagne, Erfurt sont bien loin désormais. Nous avons encore retardé nos montres d’une demi-heure. La fin de soirée a donné lieu à une fête amusante : celle “des vignerons”,

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