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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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danses et chants à la clef. Un prétexte de plus pour ne pas aller se coucher de bonne heure ! À présent, il faut que je m’arrête. Je dois rendre la machine à écrire. Ce n’est pas la mienne, mais celle du Saint-Louis , et M me  Sternberg en a besoin. »
    Dans la solitude de sa cabine, le capitaine n’avait profité ni du soleil ni de la fête des vignerons. Il n’avait toujours pas reçu de réponse de Claus-Gotfried Holthusen au deuxième message qu’il lui avait adressé et dans lequel il réclamait de connaître la situation exacte à La Havane et, surtout, les raisons pour lesquelles on le contraignait à engager une course de vitesse avec les deux autres navires. Mais ce silence n’était pas l’unique raison de son exaspération. Une heure plus tôt, Ostermeyer, son second, lui avait remis un compte rendu des dernières nouvelles diffusées à la radio par le Deutsches Nachtrichtenburo, l’agence officielle d’informations créée par Goebbels. Il put vérifier que le Saint-Louis constituait le sujet principal et que l’on y qualifiait ses passagers de « sous-hommes ».
    L’inquiétude de Schröder eût été encore plus grande s’il avait été tenu au courant de ce qui s’était passé quelques jours auparavant, à des milliers de milles de là.
     
    En août 1936, une commission connue sous le nom de commission Peel s’était réunie afin d’étudier un partage de la Palestine dans l’espoir de mettre fin aux affrontements qui, depuis près de dix ans, opposaient quotidiennement les communautés arabe et juive [41] . La commission entendit plus de trente intervenants : Juifs, sionistes, Arabes de Palestine et autres nationalistes arabes. Onze mois plus tard, en juillet 1937, elle rendit ses conclusions : un partage de la Palestine entre un État juif (le long d’une partie de la plaine côtière, incluant la vallée de Jezreel et la plus grande partie de la Galilée) et un État arabe (formé des territoires restants et de ce qui s’appelait alors la Transjordanie [42] ). Un corridor, contrôlé par les Britanniques, relierait Jérusalem à Jaffa. Afin de résoudre le délicat problème de l’équilibre entre les communautés juive et arabe dans les frontières des deux futurs Etats, la commission Peel proposa un transfert de populations. Après de nombreux débats houleux, la proposition fut acceptée par les responsables sionistes, mais avec l’espoir secret d’en améliorer les frontières dans le futur. Elle fut rejetée par les Arabes. Et les affrontements reprirent de plus belle.
    En février 1939, à l’instigation de MacDonald, ministre britannique des Colonies, une table ronde fut organisée à Londres, à St. James Palace, pour essayer une nouvelle fois de sortir de l’impasse. Haïm Weizmann [43] dirigeait la délégation juive. La délégation arabe comprenait les représentants de cinq pays et ceux des Arabes de Palestine. Les deux parties se livrèrent – une fois encore – à un dialogue de sourds. Au bout du compte, le secrétaire aux Colonies MacDonald annonça que le gouvernement de Sa Majesté avait l’intention de mettre fin au mandat et de créer un État palestinien indépendant, allié de l’Angleterre. La plupart des historiens s’accordent à penser que ce colloque faisait partie d’un plan mûrement calculé qui permettait aux Anglais de se présenter comme un « élément impartial » dans la négociation, bien qu’en réalité, devant la perspective de la Seconde Guerre mondiale, ils fussent déjà engagés dans une politique de conciliation envers les Arabes.
    Le 17 mai, c’est-à-dire quatre jours après le départ du Saint-Louis pour Cuba, le gouvernement britannique décida de publier un mémorandum connu sous le nom de « Livre blanc de MacDonald ». Il proposait la création dans les dix ans d’un État, mais uniquement palestinien, avec des frontières allant de la Méditerranée jusqu’au Jourdain, autorisant sur cinq ans l’immigration de soixante-quinze mille Juifs réfugiés (dix mille personnes par an et vingt-cinq mille par la suite) ; au-delà de ce nombre, l’accord des Arabes serait exigé. C’était la fin du rêve politique de création d’un État juif. Pour les sionistes, le projet était inacceptable. Les Arabes modérés l’acceptèrent ; le Haut Comité arabe le récusa. De fait, en instaurant des limites draconiennes à l’immigration, la publication du Livre blanc venait d’accroître le

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