Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
Vom Netzwerk:
friandises.
    Les questions fusèrent, chacun essayant de percer ce qui se cachait entre les lignes du câble expédié par le directeur de la Hapag.
    « Il n’y a pas que le contenu du câble qui m’inquiète, intervint Manasse. Vous nous avez bien dit que le jour même de notre départ, on vous intimait l’ordre de prendre deux autres navires de vitesse ? »
    Schröder confirma.
    « Cela pourrait signifier que, à l’instar des États-Unis, le gouvernement cubain a décidé d’imposer des limites à l’arrivée de nouveaux réfugiés. »
    Le capitaine hocha la tête.
    « Comment en être sûr ? Nous en sommes réduits à conjecturer. Tout est possible. Tout et son contraire. »
    Le Dr Weis laissa tomber d’une voix sombre :
    « Ce qui laisse entrevoir un retour à la case départ.
    — Vous voulez dire, un retour en Allemagne ? s’exclama Arthur Hausdorff. C’est impensable ! »
    Il se tourna vers Schröder.
    « Capitaine, j’aimerais vous poser une question directe. En cas de refus du gouvernement cubain de nous laisser débarquer et si la Hapag vous donnait l’ordre de nous rapatrier, céderiez-vous ? »
    Il y eut un temps de silence. « Un silence de mort », devait se rappeler Josef Joseph.
    Schröder répondit d’une voix ferme :
    « Tout, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter de rentrer à Hambourg. »
    Et il ajouta :
    « Je vous en donne ma parole d’officier. »
    L’air était devenu tout à coup un peu plus respirable.
    « Et maintenant ? s’enquit Josef Joseph. Que comptez-vous faire ?
    — Poursuivre ma route.
    — Très bien. Alors, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je souhaiterais envoyer un télégramme au Comité de secours juif basé à La Havane. Peut-être pourront-ils nous éclairer sur ce qui nous attend. M’autorisez-vous à le faire ? »
    Schröder donna son accord, et précisa que le coût de l’envoi serait pris en charge par la Hapag. Au moment où ils se séparaient, il renouvela une fois encore sa mise en garde : à aucun prix les passagers ne devaient être mis au courant de la situation…
    « Encore un pas de plus…, écrit Erich Dublon. Nous ne sommes plus très loin des Bahamas et bientôt nous pourrons apercevoir les côtes de la Floride. La chaleur est de plus en plus intense et l’on a du mal à supporter nos vêtements. Je me baigne trois à quatre fois par jour dans la piscine. Pourtant, malgré cette sensation d’étuve, l’appétit n’est pas entamé. Aujourd’hui, dans la matinée, s’est déroulée la célébration de Shavouot. La nuit venue, j’ai pu admirer les constellations qui scintillent au-dessus de l’Atlantique. La lueur de la lune tremblait dans le sillage du navire. »
    Vers vingt heures, Aaron Pozner se décida à quitter sa cabine pour aller dîner. La lecture du menu lui donna le vertige : salade mexicaine, soupe à la crème fraîche, omelette espagnole, poulet grillé à la viennoise, macaronis au parmesan, et, parmi les desserts, un gâteau aux fruits au marasquin. On était à mille lieues de la pitance indigeste de Dachau. Paradoxalement, au lieu de le mettre en appétit, cette débauche de plats lui serra l’estomac et il quitta la table sans rien mettre en bouche.
    Berlin, au même moment
    Assis dans la loge officielle de l’Opéra de Munich, Adolf Hitler écoutait religieusement la musique de son compositeur préféré, Richard Wagner. Ce soir, on donnait Tannhäuser. Mais avec une touche originale : pour le plus grand plaisir de l’« artiste » qu’était le Führer, la troupe avait glissé deux filles nues dans le spectacle : l’une représentait la déesse Europe à califourchon sur un taureau ; l’autre la déesse Léda avec son cygne [47] .
    Dans le même temps, dans un bureau du Kremlin, Schulenburg, l’ambassadeur du Führer à Moscou, s’efforçait de rassurer son interlocuteur russe, Viatcheslav Mikhaïlovitch Skriabine, surnommé plus familièrement Molotov [48] . « Je vous affirme, répéta Schulenburg, que vous n’avez rien à craindre du Pacte d’acier. Il vise uniquement l’alliance franco-anglaise. Sachez aussi que si le chancelier jugeait nécessaire d’employer la force armée contre la Pologne, l’Union soviétique n’aurait pas à en souffrir. » Et il conclut : « De toute façon, dites-vous qu’un traité entre nos deux pays serait bien plus payant qu’avec la perfide Albion. »
    Molotov caressa sa moustache d’un air

Weitere Kostenlose Bücher