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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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D’abord il y avait cette appréhension qui le tenaillait depuis qu’il avait reçu le télégramme de Holthusen lui intimant l’ordre de prendre de vitesse l’ Orduna et le Flandre. Les heures passées à rechercher Berg ne lui avaient-elles pas fait perdre un temps précieux ? Et puis, quelques minutes plus tôt, ce télégramme :
    VOS PASSAGERS EN CONTRAVENTION NOUVELLE LOI 937 À CUBA PEUT-ÊTRE PAS AUTORISÉS À DÉBARQUER – STOP – MAINTENEZ VITESSE CAR SITUATION CRITIQUE MAIS SERA RÉSOLUE À VOTRE ARRIVÉE
    La décision de Schröder était prise. En cas de problème, il devait être en mesure de trouver des interlocuteurs privilégiés parmi les passagers. Jusqu’à cet instant, il s’était imposé de demeurer à l’écart. Mais voilà que les événements le forçaient à sortir de sa retraite. Le premier nom qui lui vint à l’esprit fut celui du Dr Fritz Spanier. Lors de l’incident provoqué par la diffusion du film de Riefenstahl, il avait pu juger de la forte personnalité du personnage. Spanier serait homme à pouvoir représenter ses coreligionnaires. Sans plus attendre, il alla frapper à sa cabine.
    La porte s’entrouvrit. En quelques mots, Schröder mit le médecin au courant de la situation et lui tendit le câble de Holthusen.
    La première question de Spanier fut :
    « Qu’est-ce que signifie “en contravention nouvelle loi 937” ? Je ne comprends pas. »
    Schröder écarta les bras et les laissa retomber.
    « Je suis comme vous. J’en ignore le sens.
    — Pour ma part, je vois la possibilité que le débarquement nous soit refusé.
    — Je n’ose même pas l’imaginer. Toutefois, c’est une éventualité à laquelle nous devons nous préparer. »
    Il y eut un silence, puis Spanier demanda :
    « Et qu’attendez-vous de moi ?
    — Je pense que dans le cas où des complications surgiraient – ce qui semble, hélas, fort probable –, il serait utile que vous vous organisiez. Il y a près de mille passagers à bord. Je ne peux imaginer m’adresser à chacun d’entre eux personnellement. Un comité serait plus efficace. J’ai pensé que vous pourriez vous charger de le former et d’en prendre la tête. »
    La réponse du médecin ne tarda pas.
    « Je regrette, capitaine. Je n’ai jamais eu l’âme d’un négociateur et je déteste faire partie de comités, sous quelque forme que ce soit. De plus, si j’en juge par le contenu de ce télégramme, des problèmes juridiques risquent de se poser. Je suis totalement incompétent dans ce domaine. C’est quelqu’un d’autre qu’il vous faut.
    — Avez-vous un nom à me suggérer ? »
    Spanier répondit sans hésitation :
    « Josef Joseph. C’est un homme qui possède un certain charisme et, surtout, il est avocat de métier. Il a aussi côtoyé Goebbels, lorsque celui-ci n’était alors qu’un sinistre inconnu. Je crois savoir qu’il l’a même reçu régulièrement chez lui jusqu’au moment où Goebbels a adhéré au Parti nazi. À ce moment, il a rompu ses relations. Assurément, il saura se montrer à la hauteur de la situation [46] .
    — Mais puis-je aussi compter sur votre aide ?
    — Bien entendu. Je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir.
    — Très bien. Je vais de ce pas contacter ce M. Joseph. Mais avant, j’aimerais vous demander une faveur. Pour le bien-être des passagers, il est vital que notre conversation reste secrète. Sinon, nous risquons de provoquer un affolement général. Je suppose que vous comprenez ?
    — Parfaitement. Vous avez ma parole. Personne n’en saura rien. »
    Le capitaine remercia chaleureusement Spanier et se retira.
    Il trouva Josef Joseph allongé en compagnie d’autres passagers sur un transat du pont A . Sa petite fille, Liesel, dix ans, jouait à ses côtés. Il pria discrètement l’avocat de bien vouloir s’écarter pour s’entretenir avec lui en tête à tête.
    « C’est le Dr Spanier qui m’a suggéré de m’adresser à vous.
    — De quoi s’agit-il ? »
    Schröder lui montra le télégramme et lui fit part de son souhait de créer un comité des passagers.
    L’avocat n’hésita pas.
    « Je vais m’en occuper sans tarder, capitaine. »
    Deux heures plus tard, il rejoignait Schröder dans sa cabine et lui présentait les personnalités qu’il avait engagées. Six en tout : Arthur Hausdorff, le Dr Max Weis, Herbert Manasse, Max Zeilner, Sally Guttmann et enfin Ernst Vendig.
    Leo Jockl servit le café et quelques

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