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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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nain jaune ceux qui le préféreraient. Mais, en dehors de la comtesse et de sa sœur, la seule femme était une vieille fille sèche et malicieuse auréolée d’un fantastique bonnet à rubans couleur de feu qui s’annonça elle-même pour être « Mlle Colson, lectrice de Madame… quand il lui arrive de lire et sa cousine par distraction ! ».
    Les hommes appartenaient au monde de la finance ou de la haute administration. Il y avait là, outre le mari, bellâtre vantard et trop souriant que Tournemine jugea aussitôt foncièrement antipathique, l’intendant de Champagne Rouillé d’Orfeuil, le comte de Saisseval, un joueur impénitent, le Receveur Général Dorcy, l’abbé de Calbris, Conseiller au Parlement. Un soldat, mais d’importance : le comte d’Estaing que le chevalier considéra avec quelque stupeur : qu’est-ce que ce général transformé brusquement en amiral par la vertu d’un décret, qu’est-ce que le héros du combat de la Grenade pouvait bien faire dans cette galère ?… Décidément, les combattants d’Amérique remportaient de grands suffrages, rue Neuve-Saint-Gilles !
    La voix de Jeanne, qui s’était chargée d’une douceur accrue, le tira de sa brève méditation en roucoulant :
    — Voici à présent l’un de nos plus chers amis, Monsieur le chevalier Reteau de Vilette, un écrivain de talent et un délicieux poète…
    Et Gilles se retrouva en train de saluer courtoisement le dandy secrétaire, plus dandy que jamais, dans un étonnant frac bleu lumière à boutons d’or fin. À le voir de plus près, il put constater qu’il devait être d’une vigueur à peu près égale à la sienne propre et que ce délicat poète était pourvu de mains de déménageur.
    « Quelle recrue cela ferait pour les galères !… » se surprit-il à penser.
    Le dernier personnage de cette bizarre collection était un moine, aussi incongru dans ce tripot déguisé en salon qu’une rosière dans une maison close. Mais le père Loth, Supérieur des Minimes de la Place Royale 4 , semblait étonnamment à son aise au milieu des joueurs et se qualifia lui-même « d’ami de la famille et confesseur particulier de la comtesse Jeanne… ».
    — Commettez-vous donc de si gros péchés, comtesse, qu’il vous faille garder constamment votre confesseur à portée de la main ? chuchota Gilles à l’oreille de son gracieux mentor.
    Elle se mit à rire mais baissa les yeux.
    — Ne sommes-nous pas tous pécheurs, chevalier ? soupira-t-elle. Dans les temps difficiles que nous vivons, une bonne part de nos actions de chaque jour sont autant d’offenses au Seigneur.
    — Le jeu par exemple ?…
    — Comment oserais-je me permettre de croire que le jeu offense Dieu quand les plus grands de ses serviteurs ne dédaignent pas de s’y adonner. Voyez plutôt…
    Et lâchant enfin le bras du jeune homme qui en éprouva un bizarre soulagement, peut-être parce qu’il n’avait pas aimé cette façon qu’elle avait eue de claironner son nom aux quatre coins de son salon comme si elle tenait essentiellement à ce qu’aucun des assistants ne l’oubliât, Jeanne s’avança vivement vers la porte au seuil de laquelle venait d’apparaître l’imposante silhouette du Cardinal de Rohan.
    Le beau prélat était vêtu comme il l’était lors de sa visite à Cagliostro mais son visage, alors tendu et inquiet, était éclairé, ce soir, par un sourire dont il enveloppa la jeune femme avec une extraordinaire expression de joie et de tendresse.
    — Chère comtesse ! Enfin vous voilà de retour ! Vous nous avez tellement manqué !…
    Tandis que la jeune femme s’inclinait pour baiser l’anneau de Son Éminence, Gilles, qui avait rejoint Lecoulteux près de la cheminée, ne put s’empêcher d’entendre ce que murmurait l’abbé de Calbris, qui lui tournait le dos, à son voisin l’intendant de Champagne.
    — Elle lui a peut-être manqué, mais j’imagine que sa trésorerie a dû se trouver bien de l’absence en question. Notre belle Jeanne lui coûte une fortune… Le décor de la maison a changé du tout au tout depuis quatre mois !
    — Et vous pensez que c’est le cardinal qui…
    — Bien sûr, voyons ! Jeanne est sa maîtresse. Tout le monde sait cela…
    — On dit pourtant que la Reine se montrerait extrêmement généreuse…
    — La Reine ? Elle n’a jamais assez d’argent. Et d’ailleurs les Polignac ne permettraient pas qu’elle distribue à d’autres

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