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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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rage mais il était impossible de partir sans prévenir Lecoulteux. Il alla l’avertir discrètement.
    — Êtes-vous si pressé ? dit le banquier. C’est stupide, nous sommes au fort de l’action…
    — Il faut que je rentre. Je dois être au palais de bonne heure demain matin.
    — Prenez au moins ma voiture pour vous ramener place Louis-Le-Grand et vous lui direz de revenir me chercher. Il fait un temps du diable !…
    Gilles remercia, salua à la ronde et rendit la solide poignée de main, à l’anglaise, que lui assenait Barras, accompagnée d’un « À bientôt » tout sonore de joie méridionale.
    En se dirigeant vers la porte, il dut passer tout près du cardinal de Rohan qui, las sans doute de jouer, s’était levé et faisait quelques pas avec son hôtesse, pour chercher refuge dans l’embrasure d’une fenêtre. Il salua le couple et, sans le vouloir, saisit au vol la phrase que Jeanne, redevenue très souriante, lançait au galant prélat :
    — Ma foi, je n’ai pu résister à ma curiosité de femme, Éminence. Ce tantôt, je suis allée contempler le fameux collier de Messieurs Boehmer et Bassange… Quelle merveille !… Et quelle pitié que notre Reine ait dû renoncer à une telle parure…
    Un instant plus tard, rencogné dans la voiture chaude et parfumée du banquier, il roulait vers la rue de Cléry sans se douter un seul instant qu’une voiture le précédait de peu, une voiture dans laquelle avait pris place l’élégant Reteau de Vilette auquel Jeanne avait glissé quelques mots tandis que Tournemine faisait ses adieux aux joueurs de pharaon…
    Il ne savait plus trop que penser de Jeanne. Était-elle vraiment une victime, comme elle l’avait laissé entendre, au lieu de la redoutable aventurière qu’il avait cru découvrir dans les bosquets de Trianon et de Versailles ? En ce cas, elle devait avoir sur elle-même un immense empire pour avoir joué son rôle avec cette perfection. Mais la misère, cet implacable dissolvant de toute dignité humaine, n’était-elle pas capable de dévoyer un être fragile qui, né dans le confort et la sécurité, n’eût peut-être jamais quitté le droit chemin ?… Au fond, le principal coupable dans cet immense complot dont Tournemine avait décelé quelques parcelles, ce n’était pas la femme aux yeux brillants de larmes qu’il avait eue devant lui tout à l’heure, même si elle jouait son rôle sans résistance, c’était l’homme qui la manœuvrait froidement, c’était le prince avide, ambitieux et félon, c’était le glacial calculateur qui, au fond de ses palais, tissait, avec une patience d’araignée, la toile mortelle où il espérait engluer son propre frère sans s’apercevoir que la couronne qu’il en retirerait n’en sortirait pas sans souillures. Si, grâce à elle, Judith lui était rendue, Gilles tenterait peut-être d’aider Jeanne à sortir de ce qui, après tout, devait être pour elle un cauchemar…
    Arrivé rue de Cléry, il n’eut aucune peine à découvrir le logis de l’exempt Beausire. C’était une maison étroite et haute, à la façade vétuste et à l’apparence modeste, coincée entre un grand hôtel datant du siècle précédent mais soigneusement rénové, et le magasin aux volets clos d’un marchand drapier. Ayant trouvé l’endroit, il renvoya sa voiture à Lecoulteux comptant, sa reconnaissance terminée, trouver une voiture de place sur le boulevard tout proche, près de la porte Saint-Denis où il y avait une station.
    Ancienne voie plutôt mal famée, la rue où avait vécu Corneille presque jusqu’à sa mort avait cependant subi de notables transformations depuis qu’elle avait eu l’honneur de voir naître la marquise de Pompadour. La plupart de ses maisons étaient, sinon fastueuses, du moins fort convenables. Beaucoup avaient des jardins et les lanternes axiales, dont les lumières tremblantes faisaient, sur la neige, de grandes taches pâles, avaient le mérite de fonctionner toutes, ce qui n’était pas donné à toutes les rues.
    Lorsque la voiture eut disparu à l’angle du boulevard, plus aucun bruit ne se fit entendre. Il était plus de dix heures et la plupart des habitants devaient dormir mais, dans la maison qui intéressait Gilles, un peu de lumière filtrait sous un volet du dernier étage ainsi d’ailleurs que dans l’hôtel voisin où l’écho étouffé de harpes se faisait entendre.
    Gilles s’approcha de la porte, souleva le marteau de bronze

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